22 Juillet 2019
Monsieur Gérard Cotellon, est un guadeloupéen dont les capacités administratives, et l'esprit de service du public sont connus de beaucoup, noatamment en métropole, et à Paris où il a dirigé des hôpitaux très importants avec une compétence remarquable
Il a accepté de venir il y a deux ans à la tête du CHU de Pointe-à-Pitre, et d'affronter les difficultés qui s'annonçaient à la suite de l'incendie qui avait endommagé une partie de cet établissement. Mais aussi d'affronter d'autres difficultés ayant prédédé cet incendie dans le cadre d'une gadoue complexe étroitement liée à l'état d'esprit d'un certain syndicat, et de son leader historique (sic!). Je propose en lien la lecture de l'interview accordée à France-Antilles, mais aussi ci-dessous quelques extraits à peine allusifs aux causes profondes du malaise.
(I) Extraits : « Comprenez-vous les motivations de cette grève ?
« Une grève, c’est toujours l’expression d’un mécontentement. Il faut chercher à comprendre quels en sont les ressorts ? Je pense très sincèrement qu’en l’occurrence les motivations de cette grève qui s’annonce dépassent très largement le périmètre du CHU, les Guadeloupéens ne sont pas dupes.
L'image du CHU est dégradée. Les Guadeloupéens ont peur de venir au CHU. Comment retrouver la confiance des médecins (qui, pour certains, ont été menacés et ont porté plainte) ? Des patients ?
On ne peut pas réclamer des médecins pour occuper nos postes vacants et dans le même temps les insulter, les menacer, les humilier. Ce n’est certainement pas comme cela que nous garderons ceux qui sont actuellement au CHU et encore moins que nous en ferons venir d’autres. Nous devons retrouver de la crédibilité vis-à-vis de nos patients, de nos fournisseurs et de nos tutelles. Il faut que les patients guadeloupéens qui nous font confiance, nous gardent leur confiance, nous avons besoin de ce regard exigeant. Vous dîtes que les Guadeloupéens ont peur de venir, je ne sais pas si cela est si vrai que cela, nous avons le même nombre de passages aux Urgences qu’avant l’incendie. L’activité du CHU ne s’est pas effondrée malgré les difficultés.
Le syndicat crie au scandale : il n'y a pas de drap, de médicaments, de matériels... L'État ne vous donne-t-il rien ?
La réalité de cet hôpital c’est que nos charges sont trop élevées par rapport à notre capacité de recettes. Nous avons notamment une masse salariale qui est trop élevée, on a beau tourner autour du pot, si on veut s’en sortir il faudra regarder cette réalité en face et l’affronter. Quand vous ne dégagez pas suffisamment de recettes pour payer les salaires, il y a un vrai problème et c’est pour cette raison que l’on n’arrive pas à payer nos fournisseurs qui, pour faire pression, arrêtent de nous livrer. Sans l’aide de l’État, je ne sais pas comment on ferait. L’État aide énormément cet établissement, j’ai donné les chiffres au comité technique d’établissement et rien qu’en aide en trésorerie, ce ne sont pas moins de 431 millions d’euros que l’établissement a reçu entre 2010 et 2018, c’est considérable !
N'y a-t-il pas trop de personnel ?
La masse salariale est trop élevée comme je vous le disais. Elle est de 17 millions d’euros par mois or nos recettes mensuelles sont de 14 millions d’euros. Ces chiffres, tout le monde les connaît dans l’hôpital, je les donne à chaque occasion. Aujourd’hui, tout est fait pour freiner son évolution et inverser la courbe. Il y a du sureffectif, ça ne se voit pas au premier coup d’œil car ce sureffectif n’est pas forcément au lit du malade. Au-delà de ça, cet établissement a besoin d’une politique RH (ressources humaines) dynamique, réglementaire et juste. Ma nouvelle DRH est tout à la tâche pour réussir ce challenge.
L'intersyndicale réclame la présence de l'ARS à la table des négociations. Madame Denux peut-elle leur apporter plus de réponses et cette ligne de trésorerie qui vous permettrait de mieux fonctionner ?
Assurément, car l’ARS est le régulateur de l’offre de soins sur le territoire, et elle a eu à porter un certain nombre de décisions dans les suites immédiates de l’incendie. Ce sont ces décisions qui sont remises en cause par l’intersyndicale. Concernant la ligne de trésorerie, elle va nous permettre de gérer les situations de tension sur nos approvisionnements, le temps que le plan effort de performance que j’ai mis en place produise ses effets. C’est une marge de manœuvre que nous n’avions pas car notre CAF (capacité d’autofinancement) est à zéro ».
(II) Je livre aussi aux lecteurs du Scrutateur ce cri d'une Guadeloupéenne où la colère justifiée perce sous l'indignation :
« ÉDITO - Parents, amis et alliés... Pèp an mwen,
Je vous le dis et je m'en excuse par avance : j'en ai marre. Sincèrement, j'en ai assez de ces petites gueguerres intestines qui projettent mon pays dans le chaos. Demain, l'on nous promet d'instaurer le KO au CHU. Un remake d'épisodes maintes fois joués au sein de cet établissement qui n'ont jamais abouti à grand chose. Sauf à accentuer la méfiance que la population à l'égard du CHU. Je suis soignée au CHU depuis des années pour une maladie chronique. Depuis l'incendie (peut-être mon côté patriote), j'ai continué de m'y rendre. Et comme beaucoup de Guadeloupéens, j'ai rencontré des agents et des médecins engagés, à l'écoute, plein d'empathie : ka fé san soti an wòch ! Oui les choses sont difficiles. Mais cette situation ne date pas de l'incendie. Oui le déficit se creuse. A ki la fòt ? À ces directeurs successifs jugés à chaque fois incompétents par les syndicats ? à l'embauche pléthorique de personnel souvent recruté pour des raisons électoralistes ? À l'indifférence de l'État ? À l'inconséquence de certains qui jouent perso plutôt que collectif ? Répondè, réponn ! Toujours est-il, que ces derniers mois, un Guadeloupéen a accepté de relever le défi. Sans doute lui aussi par patriotisme. Comment peut-on douter de sa bonne foi et de sa volonté d'agir ? Il est vrai que nous avons pris l'habitude de nous méfier de nous-mêmes et que nous avons la fâcheuse habitude de toujours vouloir la caution de l'autre pour faire confiance aux nôtres. Depuis que ça chauffe au CHU, ce directeur a rédigé avec ses services une note de 12 pages dans laquelle il s'engage, il propose des solutions, appelle à la solidarité des médecins de l'extérieur... Bref, i ka pòté mannèv é zot vé pa ayen ! pourtant quand Valérie Denux, directrice de l'Agence régionale de santé, a dit - mal dit - que la situation actuelle de l'hôpital résultait de l'attitude des Guadeloupéens, zot té ka toufé. Ès i té ni tò ? Quand j'apprends que deux médecins ont porté plainte pour avoir été agressés par des représentants du personnel, je suis sceptique sur l'envie de certains qui prônent leur «Guadeloupéanité» à vouloir que du bien. « Cotellon a été piégé », a confié un syndicaliste dans le cadre des négociations avec la direction la semaine dernière. En plus d'être insatisfaits des propositions - pire des engagements de Gérard Cotellon - les grévistes auraient demandé la présence autour de la table des autorités de tutelle. Faut savoir ! Lè sé élu-la ka mandé léta zot ka mépwizé yo ; yo toujou bizwen papa blan-la é lè sé zot, i bon ! Ka Denux pé fè ba zot ? Quel message veut-on faire passer à la population ? A t-on envie de l'effrayer pour que plus personne ne monte le morne de l'hôpital ? Dans quel intérêt ? Il est certain, si le niveau sanitaire de la Guadeloupe n'est pas satisfaisant, c'est aussi le développement économique qui (en) pâtit. Tout est lié. Alors, avant que le KO ne s'instaure, au risque d'atteindre un point de non retour, à mon tour, je lance un appel à la mobilisation des patients ! ».
Nathalie DINANE