25 Mai 2019
Je n'ai pas encore achevé la lecture du livre de Frédéric Régent dont la couverture illustre cet article. J'en suis au tiers du livre à peu près (457 pages), vrai livre d'histoire, sans lyrisme enjoleur, sans cette aigreur qui caractérise trop souvent les entreprises éditrices qui vise dans le lecteur des ambitions ou/et des projets de capture des lecteurs innocents, ou de subversion, politique et sociale, sous prétexte de science. Rien de tout cela, mais une étude stricte, rigoureuse, patiente reposant sur de larges lectures des meilleurs chroniqueurs du vécu de notre île de la Guadeloupe, et surtout d'abondantes recherches des archives dispersée, peu accessibles au commun des lecteurs ordinaires, dont fait partie l'auteur de ces lignes. Je rendrai compte, quand j'en aurai achevé la lecture, de l'ouvrage Les maîtres de la Guadeloupe, propriétaires d'esclaves (1635-1848) autrement dit du groupe social le plus ancien de notre société, les blancs créoles (les békés à la Martinique) dont l'activité n'est pas pour rien dans la naissance et le développement de notre communauté guadeloupéenne à travers les aléas et soubresauts de l'Histoire. Aujourd'hui je me contenterai d'en citer deux pages, qui présentent un intérêt véritable pour ces intermittants du spectacle qui se répandent sur radios, et télévisions pour donner de l'histoire de la traite esclavagiste, une vision conforme à leurs passions et fantasmes. La lecture de ces deux pages a ravivé mon souvenir de ce débat que j'ai eu sur Guadeloupe la première en 2015, avec une représentante du MIR (Mouvement international pour les réparations) dont je fournis ici le lien qui ravivera les mémoires : Buzz : https://www.youtube.com/watch?v=ABt-_7xrstI . Ci-dessous les deux pages du livre de Frédéric Régent, tout à fait instructives. (Le Scrutateur). PS : Les deux pages reproduites ci-dessous ne comportent qu'un seule différence par rapport à l'original. Je me suis en effet permis d'en souligner, en violet, quelques lignes particulièrement signifiantes, que je me permets de dédier, amicalement, à mon interlocutrice d'un soir. (Voir plus haut). « Le texte établissant la compagnie des Indes occidentales n'évoque ni la traite des Noirs ni l'esclavage. Pourtant,un passage concerne l'Afrique, indiquant que le rôle de la Compagnie est de faire tout le commerce qui se peut faire en l'étendue [... de] la côte de l'Afrique depuis le Cap-Vert jusqu'au Cap de Bonne Espérance, tant et si avant qu'elle pourra s'étendre dans les Terres, soit que lesdits Pays nous appartiennent, pour être ou avoir été ci-devant habités par les Français, soit que ladite Compagnie s'y établisse, en chassant ou soumettant les Sauvages, ou naturels habitants des dits pays1. La Compagnie possède donc désormais le monopole du commerce depuis le Cap-Vert jusqu'au cap de Bonne-Espérance et celui de la formation des établissements coloniaux. Toutefois, A l'exception de l'île de Saint-Louis du Sénégal, occupée par des Français à partir de 1659, aucune colonie française n'est fondée sur les côtes continentales de l'Afrique par la Compagnie, qui manque pour cela de moyens financiers, humains ou militaires. D'ailleurs, les structures financiers, étatiques et les moyens militaires sont en Afrique continentale suffisamment forts pour écarter toute velléité de conquête européenne, et ce jusqu'au XIX ème siècle. Paradoxalement, c'est la vente d'esclaves, permettant l'achat abondant d'armes à feu, qui offre la possibilité aux Etats cotiers de garantir leur sécurité contre leurs voisins et contre les Européens : bien souvent, un esclave est échangé contre au moins un fusil et dans certains cas, à la fin du XVIII ème siècle, contre 14. Par ailleurs, nous l'avons dit, il est toujours très difficile de réduire en esclavage un individu sur son propre territoire. La Compagnie dispose de la propriété des Antilles. Ce sont donc ces îles qui vont servir de lieux de réduction en esclavage des Africains vendus comme main-d'oeuvre servile aux capitaines de navires négriers européens. Dans l'immense majorité des cas, ce sont des marchands africains qui contrôlent les esclaves jusqu'à leur acquisition par les capitaines de navire européens, totalement dépendants d'eux pour leur approvisionnement. En effet, les marchands ne pénètrent pas dans l'intérieur : les populations locales les en empêchent par des interdictions officielles ou par toutes sortes d'oppositions. Et, à l'instar de la Compagnie des Indes occidentales, ils ne disposent guère d'infrastructures pour parquer à terre les esclaves, car entretenir ceux-ci est coûteux. Les marchands africains produisent des esclaves grâce aux ventes des prisonniers de guerre, de victimes de razzias, de personnes réduites à la servitude par décision de justice, pour dette ou dans le cadre d'exil politique. D'autres captifs vendus appartiennent à des catégories de population placées en Afrique dans des statuts de servitude. Les esclaves sont conduits depuis l'intérieur vers la côte par le biais des réseaux négriers locaux. Ils sont échangés sur les côtes africaines contre du textile, de la quincaillerie, des armes à feu, de la poudre, de l'alcool, des épices, des bijoux, du papier à écrire, des coquillages servant de monnaie. En valeur de marchandises, l'esclave est alors acheté à un prix élevé. Les marchandises de traite viennent de l'ensemble du monde connu des Européens : de l'Asie (textiles en coton d'Inde, coquillages, épices), d'Europe (textiles, armes, quincaillerie, vins) et d'Amérique (tabac, alcool, coquillages). Ce commerce profite donc aux élites négociantes de quatre continents. Pour ce qui est des colonies, la traite négrière devient dans les ambitions de Colbert un rouage essentiel dans leur approvisionnement en main-d'oeuvre ». (pages 91 à 93).