1 Mars 2019
Bernard Valade présente ainsi l'Académie Française, dans l'Encyclopédia Universalis ;
« L'article 26 des premiers statuts de l'Académie française, fondée en 1635, prescrivait que la Compagnie rédigerait un Dictionnaire afin de « donner des règles certaines à notre langue ». La première édition parut en 1694. Ses deux volumes comprennent environ 15 000 mots, classés par familles de même racine pour rendre sensibles les rapports étymologiques. L'ordre alphabétique fut adopté dans la deuxième édition (1718), la simplification de l'orthographe poursuivie dans les révisions de 1740 et 1762, et l'intégration des mots que « la Révolution et la République ont ajoutés à la langue » opérée par un supplément à la cinquième édition, en 1798. Après les éditions de 1835 (définissant près de 30 000 mots), de 1878 et de 1935, une neuvième édition de ce dictionnaire du bon usage de la langue, fixant l'orthographe des mots et précisant leur sens au moyen d'exemples, est en préparation. Elle verra l'entrée d'un grand nombre de termes nouveaux, notamment techniques, ce qui laisse prévoir un total approximatif de 45 000 mots ».
Le cardinal de Richelieu, fondateur doit s'en retourner dans sa tombe, ainsi que (dans d'autres domaines) certains grands Français tels madame de Sévigné, madame de la Fayette, madame Colette, Descartes, Blaise Pascal, Corneille, Louis XIV, Voltaire, de Gaulle, et même Charles Maurras ou Jean d'Ormesson et Marguerite Yourcenar pour évoquer des figures récentes qui n'avaient pas nécessairement entre eux d'atomes crochus, hors la langue.
Ces grands hommes, et dames, si divers politiquement ou religieusement se retrouvaient joyeusement pour partager le grand festin de la langue française, à la fois matrice et conservatrice de l'âme nationale.
Certes, comme tout organisme notre langue a évolué. La vie quotidienne est un côtoiement de pierres précieuses et de vile verroterie, de riches nourritures et de pollutions mortelles.
Mais comme un organisme sain évacue ses sanies au terme d'une bonne digestion, la France s'enrichissait de sa langue sous le contrôle médical de l'Académie, et, pendant longtemps avec la participation vigilante d'un merveilleux corps d'instituteurs veillant à écarter des esprits en croissance toute vésanie, convaincu que qui perd sa langue perd aussi son peuple.
Cet heureux temps n'est plus. La pollution vicie tout. Il suffit pour s'en convaincre d'écouter parler nos journalistes, y compris sur les « grandes » chaînes parisiennes, et nos ministres (tel la Schiappa).
L'Académie a fait sauter une digue.
Il faut monter aux remparts, préparer les sorties. Souvenons nous que la France, plusieurs fois dans son histoire a failli parler l'Anglais, l'Allemand. Nous leur opposâmes Le silence de la mer, Jeanne d'Arc, le Général, Vercors.
Aujourd'hui ce qui nous menace c'est le Globish.
A nous de monter en ligne.
Le Scrutateur.
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La féminisation des titres et fonctions ne dérange pas l'Académie française, contrairement à l'écriture inclusive. C'est un peu le message que font passer depuis plusieurs semaines quelques-uns des Immortels, pour annoncer la possible adoption de règles plus souples en matière de féminisation des titres et fonctions. Un débat pratiquement sociétal, sur lequel l'Académie refusait de discuter depuis des années.
Avec quelques semaines de retard par rapport au planning annoncé, l'Académie française s'exprime enfin sur la féminisation des titres et fonctions, en adoptant un rapport sur le sujet présenté par une commission d'étude comprenant quatre de ses membres. Cette commission a ainsi réuni à 9 occasions autour du sujet Gabriel de Broglie, à sa tête, Danièle Sallenave, sir Michael Edwards et Dominique Bona.
Ces derniers ont formulé un certain nombre de propositions au sein de leur rapport qui, au cours de la séance de l'Académie du 28 février, a été adopté à une large majorité, annonce l'Académie, sans fournir plus de détails sur les votes.
« Si, dans un premier temps, des femmes se sont accommodées des appellations masculines, c’est parce qu’elles avaient à cœur de marquer, dans la dénomination de leur métier, l’égalité de compétence et de mérite avec les hommes qui avait permis ce qu’elles regardaient comme une conquête ; ce constat est de moins en moins vrai, les nouvelles générations donnant souvent la préférence aux appellations qui font droit à la différence », remarque d'emblée le rapport.
En effet, ces dernières années, de nombreux cas de figures se sont présentés, pour lesquels les femmes demandaient un nom de titre ou de fonction adapté à leur genre. Notamment pour ce qui concerne l'écriture : les termes « autrice » et « auteure », voire « écrivaine », ont peu à peu fait leur apparition, ou réapparition dans le cas du terme « autrice ».
L'appréciation que devait fournir la commission ne devait pas dépendre de positions dogmatiques, précise le rapport, mais « devait répondre aux besoins linguistiques et aux attentes résultant des évolutions récentes de la société ». La mission, rappelle le document, reste de « dégager [les usages] qui attestent une formation correcte et sont durablement établis », et de fournir des recommandations.
« S’agissant des noms de métiers, l’Académie considère que toutes les évolutions visant à faire reconnaître dans la langue la place aujourd’hui reconnue aux femmes dans la société peuvent être envisagées, pour peu qu’elles ne contreviennent pas aux règles élémentaires et fondamentales de la langue, en particulier aux règles morphologiques qui président à la création des formes féminines dérivées des substantifs masculins », note le rapport, qui relève bien sûr que certains noms de titres et de fonctions disposent d'un pendant féminin.
Plus loin dans le document, la commission remarque par ailleurs que « la langue française a tendance à féminiser faiblement ou pas les noms des métiers placés au sommet de l’échelle sociale. [...] Cette résistance augmente indéniablement au fur et à mesure que l’on s’élève dans cette hiérarchie. » Autrement dit, cette résistance à la féminisation est aussi le témoin des barrières que les femmes se sont vues imposer dans le monde professionnel.
L'Académie se garde, dans son rapport « d’édicter des règles de féminisation des noms de métiers » et affirme que « l’usage [...] décidera et tranchera en dernier ressort ». Le rapport propose toutefois plusieurs « modèles », selon les usages, justement, en vigueur jusqu'à présent.
Le rapport aborde bien sûr le cas de l'« auteure » :
Un cas épineux est celui de la forme féminine du substantif « auteur ». Il existe ou il a existé des formes concurrentes, telles que « authoresse » ou « autoresse », « autrice » (assez faiblement usité) et plus souvent aujourd’hui « auteure ». On observera que l’on parle couramment de « créatrice » et de « réalisatrice » : or la notion d’« auteur » n’est pas moins abstraite que celle de «créateur» ou de «réalisateur». «Autrice», dont la formation est plus satisfaisante, n’est pas complètement sorti de l’usage, et semble même connaître une certaine faveur, notamment dans le monde universitaire, assez rétif à adopter la forme « auteure ». Mais dans ce cas, le caractère tout à fait spécifique de la notion, qui enveloppe une grande part d’abstraction, peut justifier le maintien de la forme masculine, comme c’est le cas pour « poète » voire pour « médecin ». L’étude de ce cas illustre l’ancrage dans la langue des formes anciennes en « -trice », ce mode de féminisation ayant toujours la faveur de l’usage. Par ailleurs, s’agissant du féminin du substantif « écrivain », on constate que la forme « écrivaine » se répand dans l’usage sans pour autant s’imposer.
Ou celui de « le » ou « la » ministre, précisant au passage que « la ministre » est tout à fait légitime, n'en déplaise à certains hommes politiques...
Le cas des noms de fonctions est plus délicat, car il faut considérer qu'une personne assume une fonction, et n'est pas une fonction, ce qui pourrait justifier d'un nom masculin même lorsqu'une femme assume la fonction. Mais, même dans cette perspective, le rapport de la commission de l'Académie française est plutôt libéral, et porte son attention sur l'usage.
L'Académie se dote d'un nouveau
dictionnaire en ligne
« Les formes féminisées peuvent donc aisément désigner les fonctions réelles des femmes qui les remplissent, et les évolutions récentes de l’usage, à quelques réserves près, traduisent nettement la tendance générale qui porte à une féminisation des noms de fonctions, titres ou grades dès lors que les contraintes internes de la langue n’y font pas obstacle », écrit la commission.
Le rapport complet est disponible ci-dessous ou à cette adresse
Petit supplément emprunté par le Scrutateur au remarquable Précis de grammaire Française, de Maurice Grévisse.
4° Noms ne variant pas en genre.
98. Certains noms de personnes, terminés pour la plupart en -e, ont la même forme pour les deux genres :
Un artiste, une artiste. — Un élève, une élève,
Un bel enfant, une aimable enfant.
Remarque. “—Un grand nombre do noms d’animaux ne désignent que l’espèce et n’ont qu’une forme pour les deux genres. Pour indiquer le sexe, on ajoute un mot déterminant :
Un (iinf'bani f»m»ll«< Um> wini'it mftl», Un ««Ml 'MsUnr
NOMS A DOUBLE GENRE 63
99. a) Certains noms de personnes ne s’appliquant habituellement qu’à des h^mes“n>onCpas. de--femè-féminine : charla
tan, cocher, déserteur, échevin, écrivain, filou, médecin, possesseur, professeur, successeur, vainqueur, etc.
Remarques. — 1. Appliqués à des femmes, ces noms veulent au masculin les articles, adjectifs ou pronoms qui s’y rapportent :
Madame de Sévigné est un grand écrivain.
Cette femme est un excellent professeur.
2. Pour indiquer le féminin, on fait parfois précéder ces noms du mot femme :
Une femme auteur. — Ce siècle est fécond en femmes écrivains.
b) Certains noms ne s’appliquant qu’à des femmes n’ont pas de forme masculine : Lavandière, douairière, nonne, matrone, etc.