25 Janvier 2019
Jean de La Fontaine est un des plus géniaux écrivains français, et sa lecture est toujours enrichissante. Dannick Zandronis, indépendantiste de la première heure n'a pu, malgré lui, s'empêcher de lui rendre hommage en inventant une version en acte de la célèbre fable du corbeau et du renard.
Mais dans la réalité qui joue le rôle du corbeau ? Et celui du renard ? Ou, si vous préférez, qui est le plus C... des deux.
Les paris sont ouverts, et chacun pariera selon son humeur et sa position. (Le scrutateur).
Avouez que c’est pour le moins curieux. Au moment même où l’Union Populaire pour la Libération de la Guadeloupe (UPLG) qui fut, dans les années 80 avec les combattants du Groupe Guadeloupéen de Libération Armée (GLA) ou de l’Alliance Révolutionnaire Caraïbe (ARC), l’un des fers de lance de la revendication nationaliste et patriotique, voilà que Bruno Blandin, Président du MEDEF-Guadeloupe, donc patron des patrons, appelle les Guadeloupéens à une attitude patriotique… dans leur mode de consommation !
C’est vrai que l’UPLG, qui a célébré ce weekend ses 40 ans - le bel âge pourtant - a pris un sérieux coup de vieux et ne rassemble plus que des retraités et que l’ARC ne bande plus !
Mais Bruno Blandin, au niveau déclaratif, n’en est pas à son coup d’essai. Depuis des mois, le Président du Medef n’a cessé d’essayer de relooker à la fois son organisation et son discours patronal.
Car jusqu'à l’arrivée de Blandin à la présidence du Medef, cette structure traînait avec elle une image plutôt négative, celle d’une association très fermée de patrons, capitalistes pour la plupart, issus des grandes familles békés. Pourtant, est-ce un « accident » de l’histoire du Medef-Guadeloupe ? En plein LKP-2009, le pays découvrait à la table des négociations, Willy Angèle, un Président Medef en apparence un peu plus « guadeloupéen » que ses prédécesseurs. On ferme la parenthèse et on revient à Blandin.
Ce dernier, nous l’avons déjà signalé, dès sa prise de fonction, s’est attaché à donner au Medef une autre posture.
D’abord, Blandin qui est aussi patron de presse, (un hebdo « Nouvelle semaine », et une chaîne de télévision), a vite compris qu’il se devait d’être en parfaite symbiose avec le milieu médiatique. Il a lancé « ses » petits déjeuners de presse réguliers qui sont pour lui la plate-forme idéale à la fois pour faire prospérer l’image rénovée du Medef, mais surtout pour faire passer ses idées.
Alors justement : arrêtons-nous un instant sur les éléments récurrents du discours « blandiniste ». Il y a des constantes :
#1 l’emploi et la formation des jeunes. C’est chez lui comme une obsession. Le boss du Medef, qui est chef d’entreprise, voudrait bien que les jeunes cerveaux et futurs cadres de son pays, ne s’expatrient pas. Il n’a de cesse de le répéter.
#2 les délais de paiement des collectivités. Blandin ne manque jamais une occasion de remettre un peu de pression sur les collectivités qui tardent à honorer leurs dettes. Jusqu'à l’an dernier, la Région-Chalus était dans son collimateur. Depuis que les choses se sont, semble-t-il un peu améliorées, Blandin cible désormais les communes. Il ne manque jamais de signaler que la collectivité de Josette Borel Lincertin est, de ce point de vue, exemplaire.
#3 la question de l’eau. Là aussi, Blandin se montre très véhément à l’égard de tous ceux qui ont en main la « gestion » vraiment trop chaotique et trop catastrophique du précieux liquide.
A bien regarder, Blandin adopte le plus souvent une posture très « politique », et il se plaît à essayer de peser du poids que lui confère son poste de Président des patrons sur le fonctionnement de ce pays qu’il n’hésite jamais à rappeler qui est le sien.
Puisqu’il faut qualifier son attitude de politique pas politicienne, on sent bien que Blandin a une vision pour la Guadeloupe. Car le patron du Medef a déjà senti et compris que le développement de cet archipel est lourdement entravé par des contraintes administratives liées au fonctionnement très « jacobiniste » du pouvoir colonial francais.
Blandin peut-il dès lors clamer haut et fort qu’il serait pour un changement statutaire ? Pas encore, mais ce n’est plus un secret que le chef actuel du Medef avance à pas comptés, mais avance sur les plates-bandes des autonomistes. A la différence que Blandin, lui est un patron, donc sa vision est d’abord celle du « marché ». Comment la Guadeloupe peut-elle économiquement se développer et être compétitive si tout est géré et décidé unilatéralement depuis Paris ?
Vu sous cet angle, on peut alors sans crainte affirmer que Bruno Blandin est déjà dans l’air du temps.
Ah oui, l’air du temps ? C’est ce récent sondage Qualistat qui souligne et montre qu’une majorité de Guadeloupéens, tout en se méfiant de la classe politique, souhaite une évolution statutaire.
Alors Bruno Blandin, partisan d’un changement de logiciel dans la gouvernance politique de la Guadeloupe ? La question mérite d’être posée à ce patron qui se dit « patriote guadeloupéen » …
Ce qui est sûr, si nos politiques restent autistes sur cette question, d’un point de vue économique, les patrons prennent déjà un peu d’avance : c’est à suivre !