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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

Alain Bauer : « L'Etat a le choix entre rétablir l'ordre ou se contenter d'une absence de désordres visibles »

Alain Bauer : « L'Etat a le choix entre rétablir l'ordre ou se contenter d'une absence de désordres visibles »

Alain Bauer a beau être de gauche, et avoir été un Grand Maître du Grand Orient de France, ce qu'il dit dans cet article est dramatiquement vrai. Car ce n'est pas en tapotant la joue d'un jeune malfrat, en lui disant « tu ne dois pas recommencer et faire de la peine à ta maman »,que l'on résoudra les redoutables problèmes qui se pose en ce moment à la France. Ce libéralisme libertaire est totalement indigent.


 

« L'Etat a le choix entre rétablir l'ordre ou se contenter d'une absence de désordres visibles »

(http://premium.lefigaro.fr/vox/politique/2018/09/24/31001-20180924ARTFIG00150--il-faut-que-les-hommes-politiques-se-saisissent-du-probleme-de-la-delinquance.php )


 

FIGAROVOX/TRIBUNE - L'augmentation du niveau général des crimes et délits en France conduit le professeur de criminologie à une conclusion sévère : ce qui a été tenté par l'Etat pour répondre à l'essor de la violence n'a pas réussi. L'ensemble des politiques de sûreté publique doit être révisé, plaide-t-il.


Alain Bauer est professeur de criminologie au Conservatoire National des Arts et Métiers, ainsi qu'à New York et Shanghai. Il a publié de nombreux ouvrages, notamment La criminologie pour les nuls (éd. First, 2012), coécrit avec Christophe Soullez.


Au cours des derniers mois une nette aggravation des violences physiques a été enregistrée par les services publics. Et nul doute que l'enquête nationale de victimation de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), seul outil a peu près fiable de connaissance du réel, ne vienne confirmer des éléments concordants issus de toutes les organisations professionnelles, sportives, médicales, sociales, éducatives….

Il y a vingt ans sous ce même titre voici ce que l'auteur de ces lignes publiait: «Il n'est pas de jour qui ne connaisse sa moisson d'actes de violence touchant villes, réseaux de transports urbains, écoles, HLM... Mais ces événements ne sont pas nouveaux. La délinquance évolue, se répète, se déplace et se renouvelle. Durant quatre siècles, une véritable extinction des crimes de sang (de plus de cent pour cent mille habitants à moins de deux) a été enregistrée. La ville a civilisé le crime. Cependant, au fil des ans, des phénomènes récurrents apparaissent. Bandes de mineurs délinquants des faubourgs («apaches» au début du siècle, «blousons noirs» ou «loubards» après la seconde guerre mondiale), criminalité sur la première ligne du métro dès son ouverture, en 1900, développement de la toxicomanie (100 000 cocaïnomanes à Paris en 1921).»

La statistique des faits constatés passera de 500 000 faits dans l'après-guerre à 4 millions en 1994 pour retomber à 3,5 millions en 1997.

La délinquance d'appropriation explose dès 1964, en pleine période de plein-emploi. La statistique des faits constatés passera ainsi de 500 000 faits dans l'après-guerre à 4 millions en 1994 pour retomber à 3,5 millions en 1997.

La destructuration de la cellule familiale, le départ des retraités vers un univers séparé, la progression des familles monoparentales (1,3 million) créaient des espaces sans présence donc sans surveillance. En complément, l'arrivée sur le marché de nouveaux produits de consommation (véhicules, télévisions, autoradios...) engendrait une forte augmentation de la délinquance contre les biens, qui atteignait ensuite la voie publique, impliquant un retour aux agressions contre les personnes... pour atteindre les biens. Le tout combiné avec de nouvelles «offres»: téléphones portables, distributeurs de billets... «Orphelins de 16 h 30», les scolaires se retrouvaient laissés à eux-mêmes, les parents travaillant de plus en plus tard, les grands-parents n'assurant plus le relais, l'école ne prodiguant plus les devoirs surveillés, expulsant les enfants les plus pertubants et connaissant un absentéisme scolaire rarement traité.

Plus important: pour la première fois dans notre histoire, l'univers virtuel, moins celui de la télévision que celui des jeux vidéo, permet à des enfants de plus en plus jeunes et de plus en plus dépendants de leurs consoles de vivre dans un monde parallèle, imitant le plus possible le réel, où les actions, même les plus meurtrières, n'ont jamais de conséquences. Chaque mort vaut des points, chaque partie permet la résurrection des victimes antérieures.

Les statistiques officielles ne fournissent que des informations limitées. Elle sont partielles: elles ne prennent en compte que les crimes et délits, pas les contraventions ou les «incivilités». Elles sont parcellaires: elles n'enregistrent que les faits constatés et déclarés, alors que les enquêtes de victimation indiquent que près de la moitié des actes ne seraient pas enregistrés. Elles sont partiales, enfin: les méthodes de tenue et de contrôle connaissent parfois des variations saisonnières peu scientifiques.

Mais c'est au nom de cette présentation statistique qu'on a opposé, jusqu'à ces derniers mois, le réel connu au réel vécu par les citoyens auxquels on tentait de démontrer que leur sentiment d'insécurité relevait de la psychose, de l'exagération ou de la manipulation. Il aura fallu attendre le colloque de Villepinte, en octobre 1997, pour que soit reconnu, honnêtement et courageusement, par le gouvernement que le «chiffre noir» de l'insécurité correspondait à une réalité indiscutable.

L'organisation de la police nationale privilégie fortement ses activités de défense des institutions (missions d'ordre public) et prend peu en compte les besoins des citoyens (tranquillité publique).

Exception française en Europe, la police nationale, de création récente (1942), assume des missions de police de proximité alors que son organisation privilégie fortement ses activités de défense des institutions (missions d'ordre public) et prend peu en compte les besoins des citoyens (tranquillité publique). Elle a essayé de répondre par un îlotage couvrant pourtant de moins en moins de zones.

Son implantation correspond à la France de l'après-guerre, sans prendre en compte le double déracinement des populations (exode rural, expulsion des «classes laborieuses, classes dangereuses» des centres-villes). Cette distorsion a même été accentuée lorsque furent regroupées les forces de police dans des hôtels centraux, alors que la délinquance rejoignait peu à peu la périphérie, cet espace «rurbain» qui regroupe désormais une part majeure de la population.

Le niveau de sensibilité de la population évoluant de manière inverse, bruits, odeurs, troubles et nuisances de voisinage préoccupent davantage les citoyens et engendrent une revendication très forte vis-à-vis des autorités, dont l'offre de sécurité se trouve paradoxalement déconnectée territorialement et techniquement.

L'Etat a « éliminé » les délits plutôt que de poursuivre les délinquants.

De son côté, l'Etat a «éliminé» les délits plutôt que de poursuivre les délinquants. Par la décriminalisation, puis la dépénalisation entamée au début des année 70, par la mise en place de systèmes de conciliation ou de médiation, l'Etat, dépassé par l'inflation des procédures, a évacué des prétoires et de la statistique judiciaire de nombreux faits. En classant sans suite, souvent par manque de moyens, plus de huit plaintes sur dix, les parquets ont contribué à renforcer le phénomène, notamment en matière de stupéfiants, dès lors que la quantité ne dépassait pas un ou deux grammes. Le débat sur la dépénalisation des stupéfiants, par son hypocrisie fondamentale, se devrait donc d'être apprécié au vu des réalités.

De même faut-il signaler les difficultés de gestion des 175 000 personnes placées sous contrôle judiciaire, notamment des 50 000 détenus, pour un effectif de 175 juges d'application des peines, ou les indications selon lesquelles certaines peines inférieures à un an de prison ferme ne seraient pas exécutées dans certaines juridictions. Sans parler de la non-inscription au casier judiciaire de certaines condamnations, faute de moyens des greffes.

Ce n'est donc pas de la nouveauté de ces phénomènes qu'il faut s'inquiéter, mais du renversement de tendance qu'ils démontrent. Le nombre de mineurs délinquants n'a jamais été aussi important (près de 20 % du total des mis en cause). Ils sont plus jeunes, plus récidivistes, plus violents. Les structures sociales et éducatives issues des ordonnances de 1945 et de 1958 ne semblent plus répondre aux actions de jeunes qui, suivant la logique du «déni, défi, délit», attaquent désormais tous les représentants des institutions (policiers, pompiers, agents des sociétés HLM, agents EDF, postiers et même médecins). En même temps, le nombre de jeunes mineurs délinquants emprisonnés n'a jamais été aussi faible, même si les incriminations sont de plus en plus fortes et les peines de plus en plus longues.

La délinquance est devenue un phénomène d'expression sociale marqué par des tendances d'enfermement dans un univers fini , «le quartier», marqué par des modes d'appropriation qui vont des tags au contrôle territorial caractérisé par des passages de «frontières» sans oublier l'utilisation des téléphones portables ou des «pagers» pour l'organisation des trafics. Les bandes se féminisent, développent des dépendances à l'alcool, connaissent un niveau de troubles psychiatriques important. Près de 1 100 quartiers sont «sensibles» en France, environ 200 présentent des signes tangibles de rejet des institutions et d'agressions récurrentes contre ses représentants. Les affrontements sont de plus en plus violents, homicides et tentatives sont en hausse constante et les saisies d'armes à feu sont loin d'être anecdotiques.

L'économie souterraine et le trafic organisé de produits stupéfiants sont, paradoxalement, des facteurs de stabilité interne, comme l'islamisme militant.

Pour autant, l'économie souterraine et le trafic organisé de produits stupéfiants sont, paradoxalement, des facteurs de stabilité interne, comme l'islamisme militant. Pour des raisons liées à la volonté de ne pas attirer l'attention de la police, un autre ordre se substitue à l'Etat républicain, mettant les autorités devant un dilemme complexe: choisir de rétablir l'ordre ou se contenter d'une absence de désordres visibles.

La reconquête territoriale de ces quartiers est un enjeu majeur, mais elle passe par des séquences de tension et de confrontation. Un médicament qui ne produit pas de poussée de fièvre est souvent inefficace. Il y a pourtant des résultats tangibles. Les efforts de prévention, de présence et de proximité portent souvent leurs fruits, notamment dans les espaces commerciaux. Ils créent aussi des mouvements de délinquance vers des zones moins ou mal contrôlées. De plus, le saupoudrage, les actions à la marge, les opérations, portant plus sur les effets que sur les causes, produisent, au nom de la meilleure volonté possible, des effets pervers remarqués mais jamais évalués.

Le processus fondamental qui vise à user de la répression comme d'un moyen de compréhension de l'acte plus que de sanction du défi continue de peser fortement sur la nature et les moyens d'action de l'Etat pour préserver le contrat social qui permet la vie en société. Impuissance de l'Etat, usure, sentiments d'abandon et d'impunité pour les délinquants sont aujourd'hui des perceptions largement répandues.

L'Etat a surtout réagi en fonction des violences urbaines et répondu par un amoncellement de dispositifs désormais unifiés sous le vocable «politique de la ville». Les sigles barbares se sont ajoutés les uns aux autres selon la logique du capharnaüm. Il en est de même pour les moyens ou les emplois affectés à ces dispositifs.

Ce qui a été plus ou moins mal tenté n'a pas réussi. Pour le reste la situation a entamé un processus de dégradation accéléré.

Il lui revient maintenant d'assumer enfin une réorientation forte pour répondre aux besoins exprimés par la population. Faute de quoi les tenants des solutions les plus simplistes et les plus extrêmes, qui disposent à portée de main du bouc émissaire responsable de tous les maux, arriveront à convaincre des électeurs de plus en plus nombreux. Jusqu'à ce qu'il soit trop tard. C'est pourquoi il n'est plus possible de faire l'économie d'une refondation des politiques de sûreté publique, en particulier de gestion du traitement judiciaire des troubles subis par la population. Et, au premier chef, de ceux qui sont provoqués par des mineurs.

Que dire de plus sinon que ce qui a été plus ou moins mal tenté n'a pas réussi et que pour le reste la situation a entamé un processus de dégradation accéléré…..

C'est ainsi que débuta la révolution conservatrice américaine, que les populismes décriés par les beaux esprits des quartiers tranquilles se répandent, que les démocraties finissent.

On commentait ainsi le grand bouleversement politique américain des années 90: «qu'est-ce qu'un réactionnaire? Un libéral qui s'est fait agresser».


 


 

 

 

 

 

 

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Oui Alain BAUER fait une analyse réaliste et pleine de vérité sur ce qui caractérise la délinquance actuellement dans nos villes, villages et autres zones de vie. Mais il faudrait aussi que les fournisseurs de programmes à nos chaines publiques de télés envisagent de proscrire aux heures de grande écoute et au moins jusqu'à 23 heures la diffusion de films de violences, même si c'est pour valoriser des "noirs" - qui sont en général des financiers plus que des moralistes- car les risques de vouloir imiter ces "stars internationales" est certain et évident. L'analyse des faits poursuivis est là pour en attester. Alors que les responsables au niveau de ces media se concertent pour ne plus nous abreuver de ces films et séries brutales et amorales.
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C
Un des jeunes copains de macron vient de se faire condamner à huit mois de prison dont quatre avec sursis,selon l'afp.<br /> Nous sommes sur la bonne voie...
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