5 Août 2018
Je reprends ce matin une chronique un peu négligée depuis quelques mois. Une lectrice qui me rappelle l'existence du Cercle St-Exupéry que j'ai animé des années durant avec de grands jeunes gens me donne l'idée de vous proposer un sujet de réflexion analogue à ceux dont nous traîtions jadis. Et ce sujet m'est suggéré par le philosophe Gabriel Marcel qui fut l'éponyme d'un autre cercle de réflexion, pour adultes cette fois, qui s'est poursuivi jusqu'en 2013.
Qu'est ce que la disponibilité ? Pour un objet c'est être à disposition de. D'un client qui cherche chez un concessionnaire, un modèle de voiture qui sera, ou non, à disposition.
Tel jeune ou vieux coquin qui aborde quelqu'un du sexe opposé appuyé sur une porte, espère peut-être en sa disponibilité.
Mais cet exemple n'est pas d'un autre ordre que le précédent puisque nous restons dans le domaine marchand.
Ce n'est pas sur cette disponibilité là que j'attire ce matin votre attention.
Voyez ce que dit à ce propos Gabriel Marcel dont ce cite un passage très suggestif d'une conférence intitulée Position et approches concrètes du mystère ontologique.
Que l'on se rassure, le texte, très profond et beau est écrit dans un style simple et dépouillé de la technicité souvent aride du vocabulaire dont use, comme toutes les disciplines intellectuelles un peu rigoureuse, la philosophie. Bonne méditation. ( LS ).
_______________________________________
« La notion de disponibilité n’est pas moins importante pour notre sujet que celle de présence ; j’ajoute qu’entre l’une et l’autre il existe un lien évident.
C’est un fait d’expérience indéniable mais dont il est difficile de donner une traduction intelligible, qu’il y a certains êtres qui se révèlent à nous comme présents, c’est-à-dire comme disponibles lorsque nous souffrons, lorsque nous avons besoin de nous confier, et qu’il y en a d’autres qui ne nous donnent pas ce sentiment, quelle que puisse être d’ailleurs leur bonne volonté. Il faut remarquer tout de suite que la distinction entre présence et non-présence ne se ramène en aucune façon à l’opposition entre le fait d’être attentif et celui d’être distrait. L'auditeur le plus attentif, le plus consciencieux peut me donner l’impression d’être indisponible ; il ne m’apporte rien, il ne peut pas me faire réellement place en lui-même, quels que soient les services matériels dont peut-être il me comblera. En réalité il y a une façon d’écouter qui est une façon de donner ; il y a une autre façon d’écouter qui est une façon de refuser, de se refuser : le don matériel, l’action visible n’est pas nécessairement un témoignage de présence. Ne parlons pas de preuve, ici le mot preuve jurerait. La présence est quelque chose qui se révèle immédiatement et irrécusablement dans un regard, un sourire, un accent, un serrement de mains.
Je dirai, pour éclaircir tout ceci, que l’être disponible est celui qui est capable d’être tout entier avec moi lorsque j’ai besoin de lui ; l’être indisponible est au contraire celui qui semble opérer en ma faveur une sorte de prélèvement momentané sur l’ensemble des ressources dont il est en mesure de disposer. Pour le premier je suis une présence, pour le second je suis un objet. La présence enveloppe une réciprocité qui est sans doute exclue par toute relation de sujet à objet ou de sujet à sujet-objet. Et ici unei analyse concrète de l’indisponibilité n’est pas moins nécessaire que celle de la trahison, du reniement ou du désespoir ».
Gabriel Marcel.