3 Août 2018
1 ) Candidats à l'heure J. 2 ) L'école d'Athènes, magifique tableau d'une peinture de Raphael, dont une copie pose à la bibliothèque Ste-Géneviève à Paris. Autour de Platon et d'Aristote, le panthéon des philosophes et savants du monde antique. 3 ) L'apologie de Socrate, où Platon fait l'éloge de son maître.
J'avais, le 15 juin, enregistré cet article, mais j'en avais reporté la diffusion.
J'ai été professeur, professeur de philosophie. J'avais pu constater la lente mais continue dégradation de l'enseignement dispensé dans nos écoles en France depuis une quinzaine d'années avant mon départ, en gros depuis le début des années 1990. Dégradation engendrée par la mode nouvelle mais persistante du « pédagogisme », dont madame le ministre Najat Valaud-Belkacem ne fut pas l'auteur, mais la propagandiste zélée ; et aussi par l'irruption, pas seulement dans la population juvénile (hélas!) mais autant dans le monde des adultes, par les nouvelles techniques de communication, c'est-à-dire internet.
Mais j'ai été (j'en garde l'esprit) un professeur, et j'ai aimé ce métier, et mes élèves, y compris ceux des dernières années.
Je n'ai pas voulu (au soir des résultats, encore supérieurs à ceux des années précédentes !) doucher les enthousiasmes, parfois surjoués chez les plus intelligents de nos adolescents, en énonçant mon scepticisme devant leurs déclarations au monde médiatique.
En ce début du mois d'août, où ils jouissent des vacances, et où l'enthousiasme commence à se confronter au principe de réalité, il importe de parler et de dire le vrai.
L'article d'Anne-Sophie Nogaret est bref, mais il va à l'essentiel. Souhaitons que l'actuel ministre de l'éducation, l'un des seuls du gouvernement d'Edouard Philippe, à avoir pris conscience de la nécessité et de l'urgence d'une réforme fondamentale de l'instruction, et de la réhabilitation des disciplines classiques indispensables pour l'instauration d'un véritable humanisme dont la philosophie est le couronnement.
Le Scrutateur.
Imposture. A l’occasion de la première épreuve du baccalauréat, Anne-Sophie Nogaret, professeur de philosophie, dénonce le fétichisme d’un exercice que la grande majorité des candidats est aujourd’hui inapte à effectuer.
18 juin 2018, premier jour du baccalauréat. Signe des temps, le sujet de philosophie destiné aux littéraires « La culture nous rend-elle plus humain ? » (sic) s’orne d’une magnifique faute de grammaire que nul pourtant ne semble avoir relevée. J’y vois pour ma part un signe, que je ne peux exprimer que par une métaphore, de fort mauvais goût il est vrai : le cadavre dans le placard en est à un tel stade de décomposition qu’on ne peut plus l’ignorer.
Pour diverses raisons, l’enseignement de la philosophie pose problème à l’institution scolaire des trente dernières années : discipline abstraite, la philosophie exige des facultés de compréhension et d’analyse, qu’en d’autres temps on désignait du beau nom d’intelligence. Cette exigence intellectuelle contrecarre de fait l’égalitarisme qui fonde l’idéologie pédagogiste et l’objectif afférent, celui du bac pour tous. Obstacle supplémentaire, la forme dissertative, toujours en vigueur, exclut le recours à ce que subissent toutes les autres disciplines, grossiers tours de passe-passe visant à garantir la moyenne même au plus obtus des apprenants : exercices simplistes et surnotés, QCM, barèmes valorisant la forme et occultant le fond (comme si les deux pouvaient être distingués), etc.
Il se trouve en effet que l’enseignement de la philosophie n’a pratiquement pas varié, du moins dans ses exigences théoriques et pédagogiques, depuis la 3ème république. Il s’agit, comme le posait la commission des programmes en 1901, non pas « d’ajouter aux connaissances déjà acquises un bagage de connaissances nouvelles, mais de faire naître la réflexion véritable ». Cette réflexion véritable s’incarne dans un exercice particulier et typiquement français, la dissertation. Laquelle consiste à résoudre un problème en s’appuyant sur des idées empruntées aux philosophes, idées examinées d’abord comme des réponses possibles au sujet, puis critiquées. La démarche est dialectique, elle consiste à s’approcher rationnellement de la réponse la plus juste possible (c’est-à-dire la moins critiquable) au sujet posé.
“Combien sont aujourd’hui les élèves de terminale à même de produire ce type d’exercice après neuf mois d’enseignement ? La réponse, les professeurs la connaissent : une infime minorité, qui se réduit à chaque réforme”