14 Août 2018
Cet article de l'enseignant Jean-Paul Brighelli, pose un problème réel. Il fera sûrement rugir d'indignation certains tenants de l'idéologie soixante-huitarde, dont beaucoup sont actuellement au pouvoir en France, pour la plupart nés après 1968, et ne disposant de ce fait d'aucune distanciation par rapport aux thèses vaporeuses dont Najat Valaud-Belkhacem et ses maîtres à penser pédagogistes ont été les propagandistes zelés.
( En ce temps de vacances, il n'y aura pas ( sauf en cas d'événements gravissimes ) d'autre article sur le Scrutateur avant le 16 août ).
Edito. Retrouvez la tribune hebdomadaire de Jean-Paul Brighelli, consacrée à l'éducation. (
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Pour un enseignant, c’est depuis longtemps une évidence : les filles s’en sortent mieux que les garçons à l’école. En cause, pêle-mêle, les sollicitations testostéronées des petits mâles, qui à 13 ou 14 ans les laissent aussi désemparés que des chiens en chaleur (alors que les filles sont en moyenne plus précocement matures, et moins esclaves de leurs hormones), le « conformisme » supposé des filles, qui les rendrait plus aptes à l’obéissance et à la reproduction (des exercices), et depuis quelques années l’extrême féminisation du corps enseignant (jusqu’à 80% dans les matières littéraires), qui offre aux demoiselles des modèles à imiter, et aux garçons des repoussoirs commodes.
Ajoutons à cela le fait que dans certains milieux, certaines cultures exogènes, les garçons sont de petits princes auxquels tout est permis, même le pire, et que l’on a pour eux toutes les indulgences, alors que les filles sont bien plus tenues — tenues de bien faire, en particulier. Dès lors, comment ne pas penser que la mise sous voile et sous tutelle des filles, chez les musulmans rigoristes, n’est pas une réaction contre cette libération par l’École et par le Savoir espérée par des gamines en quête de liberté ? C’est une hypothèse que j’ai hasardée il y a 12 ans, et qui se vérifie jour après jour. Mes étudiantes maghrébines marseillaises, que je prépare au concours des IEP, préfèrent réussir Lille ou Grenoble qu’Aix-en-Provence : loin des yeux, loin des chaînes.
Sur 10 élèves en difficulté aujourd’hui, on compte 7 garçons pour 3 filles. Pire : l’évaluation des collégiens, dans le cadre du projet PISA, montre, fin troisième, un écart d’apprentissages et de savoirs équivalent à un an d’études. Les 140 000 élèves qui se déscolarisent à ce moment-là sont aux 2/3 des garçons — et aux 3/4, ils appartiennent à l’immigration maghrébine ou sub-saharienne. Ils fourniront le gros des troupes des chômeurs non qualifiés, et des casseurs-violeurs d’après match.
La proportion majoritaire de femmes (56%) parmi les étudiants du Supérieur explique leur accès à des professions mieux rémunérées : l’écart constaté par les profs se répercute tout au long de l’échelle sociale. Il n’y a qu’à voir l’extrême domination des femmes, aujourd’hui, dans les secteurs de la médecine ou du droit, et plus généralement dans tous les secteurs de la communication, si essentiels à l’économie moderne. Le retard scolaire des garçons a un coût social et économique très élevé.
Il a aussi un coût politique. Dans les têtes creuses de ces jeunes mâles se logent aisément toutes les idéologies mortifères nées de frustrations accumulées.
Ces chiffres, et quelques autres, ont été rassemblés par mon ami Jean-Louis Auduc, dont la scolarité bousculée des garçons est depuis des années le cheval de bataille. Dans son dernier ouvrage (Ecole : la fracture sexuée, Editions Fabert, 2016), il montre, en analysant les chiffres (ce que s’est bien gardé de faire le ministère de Mme Vallaud-Belkacem), que la proportion accrue d’élèves très performants (passée en quelques années de 9 à 13%) est essentiellement constituée de filles, alors que le pourcentage galopant d’élèves en grande difficulté (de 15 à 19% dans le même laps de temps) est majoritairement masculin. « Au total, écrit-il, pour l’accès d’une classe d’âge au niveau Bac, on retrouve 64% de garçons et 76% de filles ; pour la réussite au Baccalauréat, 57% de garçons, 71% de filles ; pour l’obtention d’un diplôme du supérieur (Bac + 2 et plus) : 37% de garçons, 50,2% de filles ; pour l’obtention d’une Licence, 21% de garçons, 32% de filles. » Et au bac S, que l’on croyait une chasse gardée masculine, les filles trustent les mentions bien et très bien.
Du coup, il est peut-être temps de penser officiellement les différences, à l’école. D’un côté, les filles sont ostracisées au nom de principes religieux qui les déclarent « impures » — et il est fréquent qu’elles soient ségrégationnées sur une moitié de classe, les garçons les plus abrutis évitant soigneusement de les approcher — tout en mourant d’envie de le faire : on comprend que tiraillés entre des injonctions contradictoires ils n’aient plus guère la tête au travail. Et tant pis pour le « vivre ensemble », tarte à la crème des nouvelles pédagogies, qui évitent soigneusement de se poser la vraie question de la fracture sexuée. D’un autre côté, il faut absolument rattraper les petits coqs qui arrivent en classe convaincus de leur supériorité et en repartent en faisant de leur échec scolaire le symbole de leur fierté mal placée.
De même, peut-être faudrait-il assurer aux hommes des quotas dans les concours de recrutement — ce qui était le cas jusqu’en 1976, les concours étant séparés par exemple en Agrégation Hommes et Agrégation Femmes. Pour les curieux qui voudraient connaître le détail de cette unification qui a abouti à une nouvelle discrimination, c’est ici. Après tout, cela fait des décennies que les femmes réclament, avec raison, la parité. Il est bien temps qu’elles nous l’accordent.
Si vous avez des garçons en âge scolaire, sachez qu’ils sont en grand danger, pédagogiquement parlant. La pression du groupe peut être si forte qu’un bon élève mâle sera tancé par ses copains, sommé d’être aussi mauvais élève qu’eux, et il déprimera fort devant la double contrainte où le placent les demandes parentales d’excellence et les sollicitations amicales de cancritude, si je puis ainsi m’exprimer. Ce sont les garçons qu’il faut faire travailler davantage, en les rassurant : non, être bon élève n’est pas le signe extérieur d’une sexualité louche ou défaillante ! Non, aimer lire n’est pas une activité « féminine » ! Et fréquenter les filles à la récré ne signifie pas que vous finirez dans la haute couture ou la coiffure pour dames !
PS. Je prie les couturiers et les coiffeurs de bien vouloir excuser cet usage au second degré de stéréotypes insupportables — même si, il y a deux ans, les prud’hommes, dans un jugement qui a fait un tollé, ont estimé que traiter un coiffeur de « pédé » n’est pas discriminant. Car, ont déclaré ces doctes imbéciles, « il est reconnu que les salons de coiffure emploient régulièrement des personnes homosexuelles ». Mon coiffeur, hétéro impénitent, en a été tout tourneboulé.