Cantat, l’homme pressé de nous faire la morale.

Rien de sublime dans les tragédies modernes tellement le temps nous a éloignés de Sophocle et de ses références universelles. C'est peut-être cette inexplicable distance qui ramène à une affaire privée le touchant - quoique grotesque - commentaire d'Anne-Sophie Chazaud sur la "perte de deux idoles".

"Un matin d’août 2003, les gens de ma génération ont perdu deux de leurs icônes. Lorsque la nouvelle est arrivée, nous avons été atterrés d’imaginer le corps tant aimé de Marie Trintignant, sans vie, fracassé par la violence de son conjoint. Mais nous avons aussi pleuré car nous avons compris sur le champ que plus jamais nous ne pourrions goûter le plaisir d’entendre autrement qu’à la lueur de ce drame le somptueux « Danse sur le feu Maria » qui nous avait tant étreints, ni nous défouler dans quelque salutaire catharsis aux sons puissants d’un « Tostaky » d’anthologie."

Comment s'associer à la violence d'un Bernard Cantat au point d'en faire une icône, le "héros culte" d'une génération de sourdingues - authentiques malentendants - et en pleurer conséquences alors qu'on en chérit jusqu'au délire quasi mystique les manifestations (à moins de revendiquer un état de dégénérescence avancée) ?

Comment percevoir un tel drame autrement que comme une affaire privée, une convergence d'engagements personnels qui voudrait imposer ses dérives comme des perceptions obligatoires ? Comme s'il était obligatoire de réserver sa place dans le train de la mort. Qui peut obliger les personnes sensées à feindre la surprise là où prévision et précision sont, pour une fois, assez proches parents. De tels drames n'ont rien à voir avec la perte de deux icônes : simplement deux fruits à la maturité de leurs essences respectives se sont détachés de la branche à laquelle ils étaient reliés et sont entrés dans la vérité par la porte de la relation de cause à effet.

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