13 Février 2018
« Il faut, écrivait André Maurois, conserver en toute circonstance un sens de l'humour qui sache se moquer de soi-même, apercevoir la puérilité de la plupart des dissentiments et ne pas attacher une importance tragique à ces collections de griefs qui remplissent les vitrines de toute vie » |
Les pratiquants de l'humour ont bien de la chance d'être de ces gens qui ont cultivé en eux-mêmes cette faculté de prendre des distances avec les misères petites et grandes de la vie quotidienne qui est ce qu'elle est, c'est-à-dire souvent médiocre, quelquefois tragique. Molière est, malgré (ou à cause de … ) sa qualité de comédien un tragique, qui par son art, et son intelligence supérieure, surmonte les aléas de la méchanceté des médiocres, jaloux de son génie, qui l'accusèrent d'avoir fait de sa fille, jeune comédienne dans sa troupe théâtrale …. son amante ! Accusé donc d'être à la fois pédophile et incestueux, il répondit en composant ce chef d'oeuvre qu'est L'école des femmes, où il transforme la vilenie en chef d'oeuvre littéraire, et leçon de morale, incarnant de façon géniale le personnage d'Arnolphe, transposition ironique, et libératrice de l'odieux dont l'accusait les « mal parlants ».
A sa façon le carnaval appartient à ce genre artistique ( il y a des degrés en cet art, comme en toute production humaine ) qui tend en bouleversant le cours habituel des choses, et dans un désordre apparent, à évacuer des tensions qui dans la vie quotidienne, finissent, sans soupape de sécurité, parvdevenir dangereuses. Selon certains ethnologues le carnaval est cette période où l'ordre social et les hiérarchies sont symboliquement modifiés ou renversés, et qui est l'occasion de fêtes, de spectacles où s'actualisent les oppositions (dans quelque culture que ce soit); c'est un ensemble des activités ludiques, spectaculaires, et des attitudes propres à ce phénomène social.
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Il importe que les autorités politiques veillent avec sagesse et modération à ce que le défoulement s'exerce librement, mais soient lucides sur les risques de manipulations par des gens qui ne voient dans le carnaval qu'un moyen qu'une occasion, sous prétexte d'amusement libérateur, d'imposer leur passions et intétêts politique éventuellement totalitaires, parfois racistes.
C'est peut-être ce qui se produit actuellement à la Martinique, plus précisément à Fort-de-France comme on va le voir.
En effet, et depuis hier, dans la capitale du césairisme, il est interdit d'envisager l'esclavage sous un jour... décomplexé.
C'est ainsi que l'on a cadenassé la mémoire locale (lokal), pour humilier les Martiniquais (Mahawrtiniquais) qui ont interdiction de se libérer des chaînes avec lesquelles on veut asservir leur imaginaire - au nom de la fierté du "peuple mahawrtiniquais", bien entendu. Il est vrai que la désignation rituelle d'un bouc émissaire ne peut se faire qu'à partir d'un dommage fédérateur qu'il convient d'entretenir à dessein, faute de quoi le bouc-émissaire ne serait d'aucune utilité et
la cohésion du groupe très menacée.
L'humour si consubstantiel à l'âme antillaise ( et donc martiniquaise ) a ainsi été assassiné par ceux-là même qui aujourd'hui prétendent incarner celle-ci - à l'image du grand Césaire qui n'était, comme chacun sait ni très créolisant ni très créolisé. Bref ! assez peu créole.
Dans la même veine, il faudrait aussi interdire les nèg gwo siwo dont l'accoutrement et le caractère volontairement dégoûtant - destiné à faire s'écarter les passants - est également "une injure à la mémoire du peuple martiniquais", puisque loin d'attirer la fraternelle étreinte avec le nègre marron, c'est la répulsion qui domine et l'envie de surtout se tenir à bonne distance de lui.
Ainsi les masques tombent, ce qui en la matière est assez paradoxal.
De la même façon qu'un chevalier de la Barre, au XVIII ème siècle fut condamné à mort pour ne s'être pas signé au passage d'une procession du Saint Sacrement, de même des martiniquais noirs se voient refuser le droit de penser et d'exprimer dans un carnaval dont c'est l'une des fonctions, que le thème de l'esclavage doit cesser d'être un prétexte à maintenir les esprits à l'état funeste d'enkystement dans une époque maintenant lointaine, pour mieux les esclavagiser sous la coupe de gens aussi malhonnêtes qu'ambitieux. De ces mêmes créatures sans scrupules qui citent sans arrêt l'écrivain Franz Fanon disant ( sans le mettre en pratique, en vrais Tartufe qu'ils sont ) « il ne faut poas être esclave de l'esclavage. ( LS ).