Jean-Michel Verne : Ce qu'on peut dire aujourd'hui, c'est que l'action de la JIRS, la juridiction interrégionale spécialisée de Marseille, qui est chargée de lutter contre le crime organisé a pris en main les affaires corses entre 2004 et 2006. Et, force est de le constater, de nombreux chefs de clans mafieux sont aujourd'hui sous les verrous. Historiquement en Corse, vous avez la Brise de Mer, du nom du bar où se rassemblait ce groupe dans les années 90, qui avait longtemps bénéficier de "passe droits judiciaires" si j'ose dire, et qui a été victime d'une opération mani pulite en son sein même.
Cela a entraîné l'assassinat des principaux chefs. Puis vous avez eu le clan Federici, dit des Bergers-braqueurs, dont les principaux chefs sont en prison. Et il y a le "Petit bar", la troisième grande composante connue, qui est à Ajaccio, qui est aussi derrière les barreaux. Tout cela fait que le milieu est affaibli.
La question qui se pose aujourd'hui est celle effectivement des relations entre la mafia et les nationalistes. On peut considérer que les mafias se sont peut-être mises en sommeil en attendant de voir ce qui allait se passer avec justement cette mutation nationaliste. Ils se demandent si eux-mêmes vont profiter du gâteau qui semble se présenter à eux. Aujourd'hui, nous avons donc à faire à une période d'incertitude pendant laquelle les nationalistes vont d'une certaine façon bénéficier d'un appui tacite des systèmes mafieux. On va voir comment les choses vont se régler : on est cependant dans une période d'incertitude et étrangement de silence des mafieux. D'ailleurs, à ma connaissance, le dernier assassinat est celui d'un entrepreneur corse tué sur son tractopelle. C'est une petite entreprise et rien ne prouve aujourd'hui qu'il s'agit d'une affaire mafieuse.
Leur intérêt réside principalement dans la façon dont pourrait être distribués les marchés publics. Si la Corse va vers plus d'autonomie, elle ira vers plus de financements, plus de contrôle économique et plus de convoitises. C'est simple.
L'intérêt est certain. Reste à définir en quoi il s'agit ou non d'une mafia. Une mafia réunit des gens venus de divers horizons : cela peut être des entrepreneurs, des politiques, des "soldats". Est-ce que cette alliance existe aujourd'hui en sous-main, c'est une question qu'on peut se poser. Et il faut se demander jusqu'à quel point une alliance avec le politique, avec les décideurs peut engendrer des convoitises.