13 Janvier 2017
1 ) L'auréole autour de la tête du défunt, laisse entendre que sa canonisation a déjà commencé dans cerains esprits brouillons. 2 ) La Une du journal Guadeloupe 2000 après l'enterrement de Vélo transformé en baccanale.
J'ai connu le père Chérubin-Céleste en 1961. J'étais encore un adolescent, dirigeant d'action catholique. Lui était jeune prêtre de la congrégation du Prado ( les prêtres ouvriers ). Il avait alors 34 ou 35 ans. Je le rencontrai dans quelques réunions sous la présidence de l'évêque d'alors Mgr Jean Gay. Il m'avait fait l'impression d'un homme fervent, mais dont la ferveur pouvait être déviée par une sorte de malaise intérieur dont je ne pus deviner la teneur, mais qui se manifestait par la véhémence de sa parole par moments, par une accélération de son rythme, et par une sorte d'essoufflement haletant.
Je partis faire mes études en métropole et le perdis de vue.
Bien plus tard, sous plusieurs évêques qui avaient succédé à Mgr Gay, il se manifesta comme celui que l'on connait davantage maintenant, un prêtre menant de fond apostolat et politique. Une politique extrémiste, et pour parler net, étroitement liée aux groupuscules indépendantistes guadeloupéens, capable de dire comme je l'ai entendu un soir lors d'une conférence qu'il donnait à la Maison diocésaine, rue de la République à Pointe-à-Pitre, deux jours après un attentat indépendantiste exécutée à l'ancien hôtel Méridien que « devant l'intolérable ( la situation de la Guadeloupe ) la violence pouvait se justifier ». J'étais allé avec avec une dizaine de jeunes porter la contradiction, et alors j'intervins. Il y eut quelques coups de poings échangés. La violence ne dépassa pas ce stade, ce soir là.
En 1984, un artiste, spécialiste du Ka, connu sous le nom de Vélo, condamné par l'indifférence de tous à la mendicité et à l'alcool, ( sauf de quelques personnes qui l'aidaient au jour le jour, dont mon propre père Albert Boulogne ) mourut.
Dans la foulée, le thème de cette musique étant assimilé, par quelques-uns, à l'âme de la Guadeloupe, il fut récupéré par les séparatistes. Nuit folle sur la place de la victoire, et le lendemain cérémonie d'enterrement, par le père Chérubin-Céleste, contre la volonté du curé de la paroisse, le père Yves Gillot.
L'enterrement devint un meeting indépendandiste échevelé.
J'y étais, dans le choeur de la cathédrale, devenu un inimaginable chaudron, avec mon magnétophone, et mon appareil de photo.
J'enregistrai le vacarme et les propos de Chérubin-Céleste.
Un travesti dansait autour du cercueil. ( voir photo ). Enterrement chrétien ou bacchanale?
Je possède encore tous ces documents, et ceux qui suivirent, car les chrétiens ne se laissèrent pas faire.
A la télévision ( Guadeloupe 1ère ) ce soir, 13 janvier, on s'est montré sobre, évoquant son soutien aux pauvres.
En effet, il pensait probablement les servir. Mais les autres prêtres, l'immense majorité, et les chrétiens qui n'admettaient pas les méthodes de Chérubin, eux, étaient-ils froids, rigides, indifférents aux pauvres? Il faut être clair, précis, éviter la fuite et la banalisation du jugement par des clichés.
J'écris ces lignes sans colère. Le temps a passé. Sans haine, car je conçois que l'on puisse « servir » de façon différente de celle qui est la mienne. Mais je crois qu'il n'est pas convenable de ne dire que du bien des gens quand ils sont morts. La mort n'efface pas les actes. Et la valeur des actes ne doit pas échapper à la vigilance et au jugement de l'esprit. La sincérité n'excuse pas tout.
Et je ne veux pas être plus long, car je ne veux pas accabler un mort, d'autant plus que par delà des erreurs ( à mes yeux ) le prêtre Chérubin Céleste a fait du bien aussi, moins par son activisme politique que par ses rapports personnels avec ceux qui avaient besoin de lui dans leur vie personnelle.
Je ne voudrais pas avoir à revenir sur ces évènements du passé, à moins que je n'y sois contraint par une exploitation éhontée de ses dérives par la minorité activiste que l'on sait. Ce que l'on peut craindre, hélas, sans grand risque de se tromper.
Le Scrutateur.