2 Octobre 2016
Le climat politique en France en ce moment n'est pas au beau fixe.
Le moment du choix n'est pas encore venu, sauf pour les militants des partis.
Encore faut-il se tenir au courant. Surtout en ce qui concerne les « petits » candidats. C'est bien à tort que certains se désintéressent d'eux sous le prétexte qu'ils n'auraient aucune chance d'être élus.
Or pour ceux qui ne sont pleinement satisfaits par aucun des « grands », ils représentent une opportunité de faire entendre leurs avis, leurs convictions, leurs programme. Et en les choisissant les électeurs un peu « marginaux », et de plus en plus nombreux, peuvent leurs donner les moyens d'infléchir les courbes des leaders, au moment où ces derniers appelleront à l'aide pour arbitrer face à leurs adversaires.
J'ai souvent évoqué ces candidats hors système. L'un d'entre eux, non le plus négligeable, Jean-Frédéric Poisson sera en Guadeloupe pour deux jours.
Le Scrutateur vous offre un portrait du président national du PCD.
Le Scrutateur.
Portrait
L’homme ne manque pas d’humour. Le 1er avril 2013, il a présenté une proposition de loi « visant à protéger les députés de la République portant un nom de genre, d’espèce ou d’animal aquatique ou subaquatique de toute discrimination en raison de leur nom ». Depuis qu’il est petit, Jean-Frédéric Poisson a appris à se moquer de son nom de famille. Il en joue jusque dans l’hémicycle où il est… comme un poisson dans l’eau, très apprécié de ses collègues à droite, comme à gauche. « Tout devrait nous opposer, reconnaît le député Régis Juanico, porte-parole de Benoît Hamon. Nous sommes devenus amis. Il est d’une grande rigueur et d’une grande ouverture d’esprit. »
Il ne fait pas de la mousse. Il n’est pas dans le slogan et ne court pas après les faits divers.
Député des Yvelines, rattaché au groupe Les Républicains, il a succédé à Christine Boutin à la tête du parti chrétien-démocrate. Mais l’ancien maire de Rambouillet peine à s’imposer dans la primaire de la droite. « Il n’y a pas de corrélation entre le travail de terrain et la progression de la notoriété, note Frédéric Dabi, de l’Ifop. La primaire est un moment d’accélération fort, avec des débats télévisés qui vont lui permettre de se faire connaître. »
Son défi ? Transformer cette visibilité en votes. Pas gagné. Malgré des positions qui peuvent plaire à certains chrétiens (il est pour l’abrogation du mariage pour tous, pour des mesures visant à la baisse du nombre d’avortements…), il n’a pas engrangé les soutiens de la Manif pour tous ni des jeunes du mouvement Sens commun, qui se sont ralliés à François Fillon début septembre.
Discret, il n’a pas les saillies de Christine Boutin. Fumeur de pipe, amateur d’Americano, il ne déblatère jamais en off, ne cherche pas les feux des projecteurs. « Il n’appartient à aucune cour », remarque Gérard Larcher, président du Sénat, dont il fut l’adjoint à Rambouillet. « Il ne fait pas de la mousse, renchérit Joseph Thouvenel, vice-président de la CFTC. Il n’est pas dans le slogan et ne court pas après les faits divers. »
Cet homme à la jeunesse chaotique mérite d’être connu. Il a vu ses parents divorcer après que son père a perdu son emploi de technicien supérieur en 1973. Une déchirure qui l’affecte encore. Aîné d’une fratrie de quatre, il vit en HLM pendant 15 ans, à Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine), « élevé à la bagarre de rue ». Décrocheur scolaire, il accumule les petits boulots, de vendeur de tapis à livreur de fleurs, jusqu’à ce qu’il découvre la philosophie en terminale. Une révélation qui conduira ce lecteur boulimique à soutenir une thèse en 2001 : « Bioéthique, éthique et humanisme : les lois françaises de 1994 ».
C’est en plein cours de philosophie, le 30 janvier 1982 à 9h15, qu’il se convertit au catholicisme. « Ce jour-là, ni apparition, ni illumination, j’ai juste eu la conviction d’être aimé de Dieu, j’ai éprouvé une grande sérénité », raconte-t-il en touchant le dizainier autour de son poignet gauche. Dans sa famille, agnostique, c’est la stupéfaction. Le jeune Poisson se met à fréquenter assidûment l’église et à partir en retraite à l’abbaye de Fontgombault (Indre).
L’homme ne craint pas de nager à contre-courant. Au sein des Républicains, il fut ainsi le seul à ne pas voter la reconduction de l’état d’urgence ni le traité budgétaire européen. Parmi les propositions qui le distinguent : l’instauration d’un septennat unique, l’inscription des racines chrétiennes dans la Constitution, la création d’un service national universel et la mise en place d’un revenu universel.
Il n’est ainsi libéral ni sur les questions sociétales, ni sur les problématiques sociales, ce qui en fait un ovni dans cette primaire où les candidats ont tous poussé les feux sur un programme économique libéral. « À l’Assemblée, c’est l’un des rares députés qui connaisse vraiment le monde du travail, admire Joseph Thouvenel. Il est très inspiré par la doctrine sociale de l’Église. »
Je ne suis pas juste un candidat “pro-life”, je porte une vision de la France.
Sur les questions régaliennes, il insiste sur l’autorité et la souveraineté. Ainsi réclame-t-il une sortie de l’Europe de Maastricht et du commandement intégré de l’Otan. Ce qui lui fait dire : « Je ne suis pas juste un candidat “pro-life”, je porte une vision de la France. » À l’opposé de celle issue de Mai 68. « Moi, je me limitais à une cohérence sur les sujets sociétaux, explique Christine Boutin, lucide. Lui, il apporte en plus une dimension économique et internationale. »
Pour Erwann Binet, député PS, qui fut rapporteur de la loi sur le mariage pour tous, « il représente une France qui n’existe plus vraiment. » « Sur un certain nombre de points comme la politique familiale ou le respect de la vie, je me sens plus proche de Marion Le Pen que de NKM, admet tranquillement Jean-Frédéric Poisson. Mais je suis absolument opposé à l’idée de préférence nationale. Toute forme de racisme ou d’homophobie est inacceptable pour moi. »
Il se rend tout autant au rassemblement de la droite « hors les murs », organisé à Béziers par Robert Ménard, qu’à la Fête de l’Humanité ou à un débat de la CGT à Rouen sur le dialogue social. Erwann Binet résume ainsi ce collègue inclassable : « Poisson est perturbant parce qu’il y a un décalage entre ses idées réactionnaires et un personnage humainement très agréable. » Lui dirait simplement qu’il tient sa ligne.
Pas de parti chrétien en France
Le parti chrétien-démocrate (PCD), fondé en 2009 par Christine Boutin, revendique 10.000 adhérents, 80 délégations départementales et 500 élus en France, dont un seul député, rattaché aux Républicains à l’Assemblée. Contrairement à la CDU en Allemagne ou à la démocratie chrétienne en Italie, aucun parti, en France, ne prétend rassembler les chrétiens. « À partir de la Révolution, le clivage se structure entre républicains et antirépublicains, souligne Laurent Bouvet, professeur de théorie politique à l’université de Paris-Saclay. Les chrétiens sont divisés face à la République. Ils se trouvent autant à droite qu’à gauche de l’échiquier. » Seule tentative après la Seconde Guerre mondiale : le Mouvement républicain populaire, issu de la Libération et inspiré des valeurs chrétiennes, qui sera vite étouffé par le gaullisme.
> Bio express :
Janvier 1963 Naissance à Belfort (90).
Janvier 1982 Conversion au christianisme.
2001 Soutenance de sa thèse de philosophie.
2004-2007 Maire de Rambouillet.
2007-2010 et depuis 2012 Député des Yvelines.
Depuis 2013 Président du PCD.
2016 Candidat à la primaire de la droite.