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25 Octobre 2016
Interview intéressante, et remarquable par son courage, du psychologue Raphaël Spéronel sur RCI, ce matin.
Monsieur Spéronel est questionné sur la crise morale, psychologique, sociétale qui secoue la Guadeloupe, et pas elle seulement. Cinq minutes pour traiter d'un tel sujet, c'est un peu court.
L'invité heureusement a l'esprit clair et une capacité de synthèse évidente.
Sans se perdre dans des détails il énumère les éléments majeurs du diagnostic :
« Partout dans notre sociétés les verrous sautent ».
Naguère encore, l'autorité élément fondamental de la vie sociale et politique, était à la base de l'éducation et du « vivre ensemble », comme disent sans y rien comprendre tant de gens, et même de « responsables » politiques assez ignares.
« L'environnement est dé-régulant ».
Qu'est-ce que l'environnement dont il nous parle? Ce monde artificiel des médias qui jouent dans la vie des jeunes un rôle si important; la publicité et ses objectifs purement manipulateurs, jouant des pulsions souvent les moins avouables, ( un colloque réunissait récemment au parlement des chercheurs et hommes de terrain sur le rôle profondément déséquilibrant sur internet de la pornographie, que visitent des enfants parfois dès l'âge de 8 ans ( huit ) ; le recours aux divertissements insipides, etc.
« Les comportements non maîtrisés ».
Par exemple les vols, les viols, les meurtres qui font irruption dans l'esprit des délinquants, à l'improviste, et qu'ils exécutent aussitôt. Peut-être parce dans ces esprits non éduqués ( crise de la famille ) la notion de réalité, cette réalité qui ne doit pas être confondue avec les pulsions, qui doit sous le nom de principe de réalité ( en psychanalyse freudienne ) doit être la voie d'accès au monde des réalités, avec lesquels l'individu doit apprendre à composer, sous peine de naufrage.
La disparition des espaces mentaux.
Je suppose que R. Spéronel désigne par là les aires d'éducation marquées, il y a trente ans encore, par les grandes familles spirituelles qui se partageaient l'espace social.
Le catholicisme, très influent, les différentes organisations se réclamant d'une certaine laïcité souvent très proches des associations spirituelles, sinon en théorie, du moins dans la pratique.
« Les jeunes, poursuit M. Spéronel, n'ont plus d'éducation, plus de modèles ».
Le psychologue a hélas! terriblement raison.
Je ne veux pas être trop long ( je constate d'ailleurs, qu'il ne faut pas trop exiger des lecteurs, même quand ils ne sont pas jeunes, en sollicitant L'EFFORT d'une lecture un peu prolongée ).
Mais je voudrais souligner que ces mouvements de jeunesse, avec leur discipline étaient structurés et structurants.
Chez les scouts, il y a avait des rites d'initiation à cette forme modernisée de chevalerie qui leur était proposée.
Et l'initiation culminait dans une promesse. En voici une formulation scout :
« Selon l'association des Scouts de France :
La promesse :
Sur mon honneur avec la grâce de Dieu, je m'engage à servir de mon mieux, Dieu, l'Eglise et la Patrie. A aider mon prochain en toutes circonstances. A observer la Loi Scoute.
La loi :
1 Le Scout met son honneur à mériter confiance.
— 2 Le Scout est loyal à son pays, ses parents, ses
chefs, ses subordonnés.
— 3 Le Scout est fait pour servir et sauver son pro-
chain.
- 4 Le Scout est l'ami de tous et le frère de tout
autre scout.
5 Le Scout est courtois et chevaleresque.
— 6 Le Scout voit dans la nature l'œuvre de Dieu ;
il aime les plantes et les animaux.
- 7 Le Scout obéit sans réplique et ne fait rien à
moitié.
- 8 Le Scout est maître de soi, il sourit et chante
dans les difficultés.
- 9 Le Scout est économe et prend soin du bien
d'autrui.
- 10 Le Scout est pur dans ses pensées, ses
paroles et ses actes. »
Force est de constater, en accord, il m'a semblé, avec M. Spéronel, que ces formules pédagogiques remarquables ont disparu, soit par l'évolution ultra rapide des applications des nouvelles techniques, soit par l'effet de volontés déstructurantes révolutionnaires utilisant ces techniques pour faire table rase du passé, dans son ensemble, et leur permettre de créer le « meilleur des mondes possibles » tels que l'imaginent ces mouvements utopistes.
Devant l'avenir donc, dans le présent où nous sommes, nous avons à prendre conscience que le monde de la facilité qu'on nous offre est un mensonge.
La réalité est ce qu 'elle est depuis toujours, difficile à déchiffrer et à soumettre.
L'homme n'est pas « bon par nature ». L'idée d'une amélioration de ses rapports avec les autres est un PROJET qui sera toujours difficile à atteindre, fruit d'une discipline, plus ou moins consentie.
Sur ce sujet, je me permets de renvoyer ci-dessous à un célèbre mythe platonicien, celui de l'anneau de Gygès ( cf pour les plus pressés le lien pédagogique simple et très bien présenté, en images. Pour les plus patients et ceux qui tiennent à juste titre la lecture lente, patiente, comme le plus sûr moyen d'assimilation vraie, je cite aussi le passage le plus important du fameux « mythe » au livre II de La République de Platon );
L'anneau de Gygès ( Présentation orale très bien faite, et simple : http://www.dailymotion.com/video/x178cas_l-anneau-de-gyges-platon_school
L'anneau de Gygès dans le texte platonicien :
« Les hommes prétendent que, par nature, il est bon de commettre l'injustice et mauvais de la souffrir, mais qu'il y a plus de mal à la souffrir que de bien à la commettre. Aussi, lorsque mutuellement ils la commettent et la subissent, et qu'ils goûtent des deux états, ceux qui ne peuvent point éviter l'un ni choisir l'autre estiment utile de s'entendre pour ne plus commettre ni subir l'injustice. De là prirent naissance les lois et les conventions, et l'on appela ce que prescrivait la loi légitime et juste. Voilà l'origine et l'essence de la justice : elle tient le milieu entre le plus grand bien — commettre impunément l'injustice — et le plus grand mal — la subir quand on est incapable de se venger. Entre ces deux extrêmes, la justice est aimée non comme un bien en soi, mais parce que l'impuissance de commettre l'injustice lui donne du prix. En effet, celui qui peut pratiquer cette dernière ne s'entendra jamais avec personne pour s'abstenir de la commettre ou de la subir, car il serait fou. Telle est donc, Socrate, la nature de la justice et telle son origine, selon l'opinion commune.
Maintenant, que ceux qui la pratiquent agissent par impuissance de commettre l'injustice, c'est ce que nous sentirons particulièrement bien si nous faisons la supposition suivante. Donnons licence au juste et à l'injuste de faire ce qu'ils veulent ; suivons-les et regardons où, l'un et l'autre, les mène le désir. Nous prendrons le juste en flagrant délit de poursuivre le même but que l'injuste, poussé par le besoin de l'emporter sur les autres : c'est ce que recherche toute nature comme un bien, mais que, par loi et par force, on ramène au respect de l'égalité. La licence dont je parle serait surtout significative s'ils recevaient le pouvoir qu'eut jadis, dit-on, l'ancêtre de Gygès le Lydien. Cet homme était berger au service du roi qui gouvernait alors la Lydie. Un jour, au cours d'un violent orage accompagné d'un séisme, le sol se fendit et il se forma une ouverture béante près de l'endroit où il faisait paître son troupeau. Plein d'étonnement, il y descendit, et, entre autres merveilles que la fable énumère, il vit un cheval d'airain creux, percé de petites portes ; s'étant penché vers l'intérieur, il y aperçut un cadavre de taille plus grande, semblait-il, que celle d'un homme, et qui avait à la main un anneau d'or, dont il s'empara ; puis il partit sans prendre autre chose. Or, à l'assemblée habituelle des bergers qui se tenait chaque mois pour informer le roi de l'état de ses troupeaux, il se rendit portant au doigt cet anneau. Ayant pris place au milieu des autres, il tourna par hasard le chaton de la bague vers l'intérieur de sa main ; aussitôt il devint invisible à ses voisins qui parlèrent de lui comme s'il était parti. Etonné, il mania de nouveau la bague en tâtonnant, tourna le chaton en dehors et, ce faisant, redevint visible. S'étant rendu compte de cela, il répéta l'expérience pour voir si l'anneau avait bien ce pouvoir ; le même prodige se reproduisit : en tournant le chaton en dedans il devenait invisible, en dehors visible. Dès qu'il fut sûr de son fait, il fit en sorte d'être au nombre des messagers qui se rendaient auprès du roi. Arrivé au palais, il séduisit la reine, complota avec elle la mort du roi, le tua, et obtint ainsi le pouvoir. Si donc il existait deux anneaux de cette sorte, et que le juste reçût l'un, l'injuste l'autre, aucun, pense-t-on, ne serait de nature assez adamantine pour persévérer dans la justice et pour avoir le courage de ne pas toucher au bien d'autrui, alors qu'il pourrait prendre sans crainte ce qu'il voudrait sur l'agora, s'introduire dans les maisons pour s'unir à qui lui plairait, tuer les uns, briser les fers des autres et faire tout à son gré, devenu l'égal d'un dieu parmi les hommes. En agissant ainsi, rien ne le distinguerait du méchant : ils tendraient tous les deux vers le même but. Et l'on citerait cela comme une grande preuve que personne n'est juste volontairement, mais par contrainte, la justice n'étant pas un bien individuel, puisque celui qui se croit capable de commettre l'injustice la commet. Tout homme, en effet, pense que l'injustice est individuellement plus profitable que la justice, et le pense avec raison d'après le partisan de cette doctrine. Car si quelqu'un recevait cette licence dont j'ai parlé, et ne consentait jamais à commettre l'injustice, ni à toucher au bien d'autrui, il paraîtrait le plus malheureux des hommes, et le plus insensé, à ceux qui auraient connaissance de sa conduite ; se trouvant mutuellement en présence ils le loueraient, mais pour se tromper les uns les autres, et à cause de leur crainte d'être eux-mêmes victimes de l'injustice. Voilà ce que j'avais à dire sur ce point ».
Traduction de Robert Baccou
Enfin dans la même perspective de recherche et de réflexion je vous livre une pensée d'une grande pédagogue, Maria Montessori, sur la pensée de laquelle, j'aurai à revenir, ici, très prochainement.
Le Scrutateur.
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Texte de Maria Montessori :
« ….... La vraie discipline ne se trouve que chez les êtres supérieurs ; les êtres inférieurs, il faut les éduquer, mais pas par la répression. La discipline étant le signe extérieur de fonctions parfaites, la liberté consiste en la possibilité d'exercer parfaitement »ces fonctions. Il en est de l'homme comme de toutes choses créées : les étoiles sont libres d'évoluer dans le ciel, parce qu'elles restent \ disciplinées en leur trajectoire. Les poissons semblent libres de glisser dans l'eau, mais il ne faut pas qu'ils sortent de leur élément ; il n'y a pas de forme de liberté qui ne soit déterminée par une loi.
L'enfant ordonné est automatiquement discipliné ».
Mme Montessori cite l'exemple d'un petit garçon qui ne sortait jamais sans avoir été saluer la maîtresse. Quand il lui arrivait d'oublier, il revenait de la rue en courant pour réparer son oubli. Un jour qu'on le cherchait, et qu'il était déjà parti, « soyez tranquille, répondit la maîtresse : il reviendra ; il ne m'a pas dit adieu ! »
« La discipline est la règle de toutes les choses supérieures. Mais il faut être supérieur soi-même pour la posséder. Ce n'est pas en édictant des lois qu'on peut donner la vue aux aveugles. L'ordre et la religion ne s'enseignent pas par les armes. On ne peut pas préparer un peuple à l'ordre en obligeant les petits enfants à obéir aveuglément, mais en leur enseignant à s'élever au-dessus d'eux-mêmes ».