17 Juillet 2016
1 ) Photographie de l'opinion française le 17 juillet 2016. 2 ) Hollande en berne, sur tous les plans. 3 ) En finir avec certains tabous.
Les passages soulignés en rouge, l'ont été par Le Scrutateur.
Emmanuel Galiero
POUR l’exécutif, le coup est rude. Selon une enquête Ifop pour Le Figaro, 67 % des personnes interrogées au lendemain de l’attentat de Nice affirment ne pas avoir confiance en François Hollande et son gouvernement pour lutter contre le terrorisme. Le dévissage de l’exécutif sur cette question brûlante est net : les quatre baromètres précédents de l’Ifop, réalisés entre les 8 janvier 2015 et 5 janvier 2016, indiquaient qu’à peu près un Français sur deux avait confiance dans le gouvernement.
Alors que 99 % des personnes interrogées jugent que la menace terroriste est « élevée » ou « très élevée », la défiance vis-à-vis de l’exécutif est particulièrement marquée chez les électeurs Républicains et Front national. Ils sont 17 % seulement chez les Républicains et 13 % chez les électeurs de Marine Le Pen à faire confiance au gouvernement pour mener la guerre contre le terrorisme.
Cependant, les Français dans leur ensemble manifestent leur confiance (84 %) aux forces de police, de gendarmerie et aux services de renseignements, une proportion importante qui n’a que peu bougé depuis janvier 2015 et l’attentat contre Charlie Hebdo.
Mais l’aspect le plus intéressant de cette enquête concerne les mesures que les Français souhaiteraient désormais voir appliquées pour lutter plus efficacement contre le terrorisme islamiste. Sur tous les points, ils sont en faveur de mesures d’une extrême fermeté. Voilà qui devrait faire réfléchir la majorité et rallumer en son sein l’éternel débat entre le besoin de sécurité et le respect des libertés individuelles.
« À situation exceptionnelle, réponses exceptionnelles », résume Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l’Ifop. « L’attentat de Nice a profondément marqué les esprits et renforcé des opinions préexistantes selon lesquelles la France, en guerre face à des ennemis déterminés, devait s’autoriser des mesures que les autorités n’avaient pas envisagées jusqu’alors. »
Qu’on en juge. Un Français sur deux estime que la France est en guerre et se dit favorable à un renforcement de l’état d’urgence. 81 % des sondés sont prêts à accepter davantage de contrôles et une certaine limitation de leurs libertés. La proportion est de 73 % chez les sympathisants de gauche, et elle monte à 94 % chez les électeurs Républicains.
Ils sont 68 % de Français à être favorables à ce que les personnes faisant l’objet d’une fiche S soient non seulement arrêtées mais également emprisonnées, au motif que « l’État ne doit prendre aucun risque dans la période actuelle ». Et 91 % sont favorables à la création d’une peine de prison à perpétuité réelle sans aucune possibilité d’aménagement de peine, même après trente années d’emprisonnement (77 % au Front de gauche, 85 % au PS, 99 % à LR et 93 % au FN).
« Ces chiffres nous ramènent à des niveaux historiques que nous n’avons jamais atteints après quinze ans de baromètre. À quelques points près, nous retrouvons les niveaux de novembre dernier après les attentats du Stade de France et du Bataclan. L’état de choc est aussi fort », observe Jérôme Fourquet.
Aux yeux de l’opinion publique, les autorités n’en font « pas assez » s’agissant des peines prononcées contre les membres des réseaux et des cellules terroristes (88 %), ni s’agissant des moyens juridiques accordés aux forces de police et aux services de renseignement (77 %), ni en matière d’effectifs des forces de l’ordre (69 %).
Après la satisfaction affichée par le pouvoir concernant le bon déroulement de l’Euro de football, Jérôme Fourquet estime que le choc de l’attentat de Nice a été d’autant plus fort que chacun a pu avoir le sentiment d’être « rattrapé par la réalité ». « Instantanément, tous les réflexes ressurgissent », souligne l’analyste. En décembre, 37 % des Français pensaient que la France était en guerre. Sept mois plus tard, la proportion s’envole subitement. Treize points de plus. « C’est un enseignement majeur car les pires ressentiments, mis un peu de côté depuis la tragédie de Paris, remontent à la surface ».
Selon Jérôme Fourquet, si l’opinion a pris conscience de l’existence d’une menace majeure, elle est néanmoins persuadée que « tout n’a pas été mis en œuvre ». Lorsqu’on observe en détail les sensibilités politiques, on note également que plus personne ne fait confiance au chef de l’État et au gouvernement, « hormis les sympathisants socialistes », précise Fourquet.
L’Ifop n’établit pas forcément de lien entre la cote de popularité de François Hollande, déjà très basse, et la confiance des sondés à son égard dans le combat à mener contre le terrorisme. « C’est une baisse intrinsèque liée au jugement que l’on porte sur l’attitude du gouvernement face au risque terroriste », juge Fourquet. L’enchaînement d’attentats très meurtriers marque fortement la population. Elle semble prendre acte d’un pouvoir en échec.
Quelques heures avant l’attentat de Nice, François Hollande avait annoncé publiquement la levée de l’état d’urgence et l’allégement de l’opération « Sentinelle ». Son changement de pied soudain, décidé dans la nuit du 14 au 15 juillet, a créé un trouble « manifeste » dans l’opinion. Jérôme Fourquet voit dans cette chronologie des événements l’un des facteurs importants d’une confiance abîmée comme si, aux yeux des Français, l’autorité semblait totalement dépassée par la réalité.
L’étude de l’Ifop révèle donc globalement une nouvelle perception du danger. Et tout ce qui va avec. Pour gagner la guerre contre le terrorisme islamiste, les Français exigent un changement de cap radical, quitte à faire sauter certains verrous et à briser des tabous.