9 Juillet 2016
Les médiathèques, les bibliothèques, tout ce par quoi la mémoire est conservée, est précieux, mais dangereux aussi. Dangereux pour les carrières, pour les réputations, pour les statues patiemment élevées par les gens soucieux de leur image. Nous éprouvons tous le désir que la postérité ne se souvienne de nous que sous l'angle le plus avantageux, à chaque moment de notre carrière quand nous en avons une, ou pour... la postérité, quand nous estimons pouvoir intéresser encore nos descendants.
Pour notre malheur le monde et les temps changent. « Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera ». Mon personnage d'hier, si travaillé, poli, contemplé avec l'amour pour lui-même d'un Antinous, n'est plus, 10 ou 20 ans plus tard, qu'un portrait dérisoire dont l'on voudrait parfois qu'il n'ait jamais existé.
Prenons garde aux puissants quand ils nous parlent d'eux-mêmes, et dont les confidences, avantageuses dans la conjoncture du moment, peuvent nous valoir mille ennuis, et même l'inconvénient majeur d'une vie écourtée, quand, à défaut de faire que ce qui a été dit l'ait été, ils songent à détruire, à défaut de leur mémoire, le souvenir compromettant qui subsiste, en la nôtre, d'une de leurs poses circonstancielles.
Dans 1984, ce grand roman de Georges Orwell, le dictateur omnipotent, ce n° UN ( qui désignait Staline ), nommait à la direction des archives nationales des fonctionnaires « de confiance » chargés de revoir tous les actes et paroles passés du « maître » et de faire en sorte que les textes, discours, paroles de celui-ci soient continuellement révisés et conformés aux « exigences » du jour.
Est-il admissible qu'un « commandatore »ait pu prédire en 1935 que la production de blé de l'URSS serait en 1955 de cent millions de tonnes, alors qu'elle n'est que de 70 millions à la date avancée.
Impensable!
Aimé Césaire, ce grand Martiniquais, était devenu très discret sur sa pensée concernant la langue créole, devenue un thème identitaire et « nasyonalis » dans les années 70 et suivantes.
Heureusement pour l'histoire et pour nous, son pouvoir ne s'étendait pas jusqu'aux archives de l'INA, où l'on peut le voir, et surtout écouter ses propos sur le créole, tenus en 1962.
Les voici.
https://www.youtube.com/watch?v=Mi9y6XattB4
Le Scrutateur.