19 Mars 2016
Cette Tribune de madame Penchard, va faire du bruit. Elle est publiée sous l'égide de la municipalité de Basse Terre, et Le Scrutateur ne fait que la reprendre pour l'information de ses lecteurs.
Nous la reproduisons intégralement.
Je ne peux m'empêcher d'y noter ce qui est à mes yeux l'effet d'une distraction, ou d'une petite manipulation politicienne.
En effet à deux reprises, madame le maire de Basse Terre insinue que « L’Etat en la personne du Préfet en service commandé a fait « Battre » un élu qui a obtenu avec la liste « changez d’avenir » un score sans appel de 98.464 voix soit 57,31% des suffrages. ».
Elle revient sur ce point plus loin dans sa lettre : « L’Etat, pour moi, n’est plus en mesure de jouer son rôle de médiateur, de fédérer les forces vives de ce pays car en faisant ce choix il s’est coupé d’une partie des représentants légitimes et majoritaires en Guadeloupe ».
Dieu sait que je ne me sens nullement solidaire de la faction politicienne qui occupe actuellement le pouvoir en France.
Mais enfin, si l'Etat est représenté par quatre fonctionnaires, il n'est nullement indiqué que c'est pour y faire de la figuration, et s'abstenir de participer au vote.
Et gageons que dans le cas de figure où les voix de ces quatre fonctionnaires se seraient portées sur un candidat qui aurait eu la faveur de Marie-Luce Penchard, celle-ci n'y aurait rien eu à redire.
D'autre part, on voit mal le lien qui existerait, en droit, avec les récentes élections régionales.
Il s'agissait là d'une élection à un poste bien distinct, sans rapport avec l'élection régionale. A moins d'admettre que n'importe quel poste éligible devrait être attribué au récent vainqueur d'une élection politique, et que celui-ci serait en quelque sorte un potentat au-dessus de toute critique, et pouvant prétendre à tout et à n'importe quoi.
D'autant plus que M.Ary Chalus, est déjà député, Président du Conseil Régional, membre de l'équipe municipale de Baie-Mahault, ce qui fait déjà beaucoup à une époque où le cumul des mandats est considéré comme un abus et une entrave à l'efficacité des titulaires.
Le potentat ! Un vieux rêve caressé par de nombreux élus et conseillers d'élus ( et même « conseillères » ).
Ayant publié hier soir, sans autres commentaires la nouvelle de l'élection de M. Kalil, un lecteur de facebook commentait l'information brièvement : « Enfin! Un professionnel ».
On ne saurait mieux dire.
Le Scrutateur.
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TRIBUNE
Guadeloupéennes, Guadeloupéens,
Ce qui vient de se dérouler ce vendredi 18 mars 2016 est extrêmement grave et ne peut passer sous silence. Ary Chalus, Président du conseil régional par la volonté des guadeloupéens n’a pas été élu Président du Grand Port Maritime à la suite d’un complot organisé par l’Etat car sans les voix des quatre fonctionnaires (Préfet, Directeur de l’environnement, de l’aménagement et du logement, Représentant du ministère chargé de l’économie, Représentant du ministère chargé de la mer) Philippe Kalil aurait obtenu 5 voix et Ary Chalus 8 voix.
L’Etat en la personne du Préfet en service commandé a fait « Battre » un élu qui a obtenu avec la liste « changez d’avenir » un score sans appel de 98.464 voix soit 57,31% des suffrages.
En agissant ainsi l’Etat a montré qu’il avait choisi un camp celui de l’ancien Président de Région. C’est un véritable Déni de démocratie ! Alors que l’Etat doit être le garant du bon fonctionnement des institutions et du respect du suffrage universel. C’est bien pour cela, au nom de ces principes et des valeurs républicaines que les fonctionnaires de la haute administration doivent pouvoir exercer un devoir de neutralité, ce qui n’a pas été le cas lors de cette élection.
Ils ne l’ont malheureusement pas fait. Les ordres politiques de Paris ne sauraient être une excuse car un serviteur de l’Etat est celui qui sait mettre les limites à des pratiques non républicaines. Une telle soumission n’honore pas le corps préfectoral qui devrait contribuer normalement par une certaine indépendance à garantir l’intérêt général et préserver le sens de l’Etat.
Un Préfet n’est pas un simple chef de service. Il doit prendre ses responsabilités et savoir parfois dire non au nom de l’intérêt supérieur de l’Etat. C’est parfois un risque pour sa carrière mais c’est souvent ultérieurement tout à son honneur ! On reconnaît ainsi les grand commis de l’Etat !
Tout cela je l’ai appris en exerçant des responsabilités ministérielles et jamais je ne me prêterai, comme certain, à utiliser mes réseaux pour un tel exercice de pression justement pour éviter d’affaiblir l’Etat. Oui l’Etat en ce vendredi 18 mars est affaibli en Guadeloupe. L’Etat, pour moi, n’est plus en mesure de jouer son rôle de médiateur, de fédérer les forces vives de ce pays car en faisant ce choix il s’est coupé d’une partie des représentants légitimes et majoritaires en Guadeloupe.
Ce soir je suis convaincue que les hauts fonctionnaires de L’ENA, issus d’un corps si prestigieux qui fait la fierté de la république sont bien mal à l’aise en Guadeloupe. J’ai honte pour eux et en même temps je suis triste pour ce qu’ils représentent pour le respect que nous leur devons au regard des missions régaliennes dont ils ont la lourde responsabilité.
Face à une telle offense aux élus qui viennent d’avoir la confiance des guadeloupéens je ne peux imaginer que l’Etat au plus haut niveau reste sans réaction sauf à considérer que tout est permis dans un territoire qu’il considère encore comme des anciennes colonies.
L’Etat doit se ressaisir rapidement et se donner les moyens, par un geste fort, de créer les conditions d’une gouvernance en capacité de renouer les liens du dialogue qu’il a rompus par cette déclaration de guerre au Président Ary CHALUS afin de permettre une proximité avec la collectivité régionale qui, au regard de ses compétences voulues par le législateur, est un acteur majeur incontournable pour le développement et la stabilité en Guadeloupe.
Marie Luce PENCHARD
Ancien ministre
Maire de Basse-Terre
Deuxième vice Présidente du conseil régional