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3 Février 2016
J'apprends la mort d'Alex Bangou. Nous nous connaissions depuis bien plus de 50 ans. Et nous partagions, je crois, une estime réciproque.
Sur bien des questions nous n'étions pas du même bord. Mais nos échanges étaient toujours amicaux et courtois.
J'appréciais beaucoup en lui, son attitude extrêmement courtoise, son attention à vous écouter, un esprit critique qui ne se départait jamais d'une volonté de dépasser les contradictions, et d'une volonté de faire que la discussion ne dépasse pas le plan de la controverse intellectuelle, pour ne pas libérer en lui, comme en son interlocuteur, des forces qui relèvent davantage de la hargne, et de la colère cette courte folie, qui dégénèrent en pugilats haineux.
En y pensant ce soir, le mot qui me vient pour qualifier Alex, en son urbanité exquise, est celui de politesse ( en lequel on trouve le verbe polir, pas seulement la Polis ( cité ) qui en grec évoque l'urbanité de surface, permettant d'accéder au « vivre ensemble » comme on dit maintenant, pas seulement donc la « polis », mais le polir, l'acte délicat qui lime les aspérités sans les faire disparaître. Heureusement pour le pluralisme des idées.
Non, Alex Bangou était une incarnation de l'homme du monde, dont le philosophe Bergson disait :« L'homme du monde accompli sait parler à chacun de ce qui l'intéresse : il entre dans les vues d'autrui sans les adopter toujours, il comprend tout sans pour cela tout excuser. Aussi l'aime-t-on avant presque de le connaître ; on adressait la parole à un étranger, on est étonné et charmé d'avoir affaire à un ami. Ce qui nous plaît en lui c'est la souplesse avec laquelle il sait descendre ou monter jusqu'à nous, c'est surtout l'art qu'il possède de nous laisser croire, quand il nous parle, qu'il a pour nous des préférences secrètes et qu'il ne serait pas le même pour tout le monde... ».
Et la vraie politesse n'est pas l'hypocrisie comme pourraient penser des esprits superficiels. L'hypocrisie est une dissimulation tactique, et mauvaise, tendant à neutraliser l'autre comme un adversaire qu'on aimerait bien réduire, mais que l'on ménage par des grimaces, en attendant un changement des rapports de force permettant de passer à des actes …. d'une autre nature.
Chez M. Bangou, elle procédait d'une démarche du coeur, mais aussi de cette forme d'intelligence qui voit la complexité des choses, pressent que les antagonistes peuvent avoir tous raisons, que l'erreur que nous leur prêtons d'abord ne vient que de ce qu'ils croient embrasser le Tout, du point de vue unique qu'ils occupent, que notre position est exactement identique à partir d'un autre point d'observation, sur un monde multipolaire, et d'une infinie complexité. Que donc, il vaut mieux s'entendre, et allier les forces pour dépasser les contradictions et progresser pas à pas, par degrés non vers LA solution finale, mais vers un progrès partiel vers un monde imparfait, mais meilleur.
Ces hommes là sont rares. Leur perte est toujours un moindre être pour la famille, le pays, la société.
Ce sont les mots qui me viennent à l'esprit, et que j'adresse à ses parents et amis, en ce jour douloureux.
E.Boulogne.