Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.
25 Novembre 2015
Mon collègue le philosophe Jacky Dahomay a donné une interview tout à fait intéressante sur les évènements en cours, en France et ailleurs. Vous pouvez l'écouter grâce au lien video ci-dessous.
Je me suis permis d'assortir son propos de quelques remarques amicales et complémentaires.
Bonne écoute, bonne lecture.
Le Scrutateur.
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Jacky Dahomay sur neorésistance ( à écouter impérativement ).
https://www.youtube.com/watch?v=meIiKFyEXpw
Commentaires du Scrutateur.
( I ) Je partage très largement les idées, et souhaits de mon collègue et ami Jacky Dahomay. Si nous avions été ensemble, je lui aurais cependant adressé quelques remarques destinées à compléter, et peut-être à nuancer son propos.
Résumons l'essentiel de son propos.
Que nous dit M. Dahomay?
1 ) Il faut résister, dans la dangereuse conjoncture présente, à la tentation d'identifier tout arabe à Daesh ( et autres mouvements terroriste se réclamant à tort ou à raison du prophète Mahomet et de son Coran ), et d'une certaine façon de le jeter ainsi dans les bras de l'extrémisme, le condamnant à intérioriser les valeurs de ces gens là.
2 ) Le jeune de chez nous, doit doit montrer une aptitude à l'amour de l'autre, à l'ouverture vers la création de valeurs humaines.
3 ) Le jeune devrait encore dire le nouveau. En d'autres termes prôner le refus de la fermeture sur soi, dans des sociétés closes, exclusives de l'autre.
4 ) Jacky Dahomay déplore ensuite le développement de l'esprit de victimisation qui est au coeur des groupes arabe, noirs d'Afrique, et même Antillais, qui incite au développement du communautarisme et de leur corolaire le ressentiment source de tous les replis sur soi, ou des actions violentes, destructrices de l'autre, et en même temps de soi.
A cet égard, il critique les mouvements se réclamant du label « indigènes de la République », vivier pulvérulent du ressentiment pathologique.
5 ) Il constate la régression intellectuelle dans nos îles antillaises, par rapport au temps de sa jeunesse ( qui fut aussi le mien ). Cette régression a pour conséquence le développement d'identités multiples et exclusives les unes des autres, Les noirs seraient les seuls vrais Guadeloupéens à l'exclusion des blancs, des indiens, des syro-libanais, etc.
6 ) Tous les jeunes doivent aspirer à une instruction qui nous ouvre à l'universel, et ne nous enferme pas dans les particularismes.
( II ) Je partage pratiquement sur tous les points la pensée de Dahomay.
* Je me sens autorisé toutefois à lui faire remarquer que sa pensée est très largement optative, c'est-à-dire de l'ordre du souhait.
*Que les jeunes qui, en France ( pour ce qui nous concerne ), et sont étrangers à la mentalité, d'un peuple français plutôt « ouvert », c'est une caractéristique assez largement reconnue à notre pays ( même s'il y a des exceptions comme partout, et des imbéciles ou des gens qui manquent d'ouverture par manque de confiance en eux-mêmes ) que les jeunes « immigrés » donc, non seulement sont nombreux ( Emmanuel Todd a pu ainsi parler de « transport de peuples » à propos de l'immigration ), et que ce fait numérique ne les dispose pas spontanément à l'assimilation, ni même à l'intégration.
D'autant plus que leurs cultures d'origine n'est pas nécessairement, et toujours,spontanément portée à l'ouverture, et au développement de l'amour, et de la tolérance. Il n'est pas certain, que quand on parle de l'amour de l'autre, je sois considéré comme un "autre", du fait de ma religion ( catholique ) et que les femmes soient des « autres » à part entière.
Enfin ces nouveaux arrivés sont encouragés par des groupes idéologiques d'européens, très marqués idéologiquement, à persévérer dans leur « étrangeté ». Ce sont ces Européens là qui encouragent le développement du multiculturalisme en France ( pour nous limiter à ce cas ) et de son corolaire, le communautarisme, justement honni par Jacky Dahomay.
Ces remarques ne sont pas faites pour refuser le discours à la fois sympathique et profond, de mon ami, mais pour insister sur le fait que l'optatif ne suffit pas à faire de la bonne politique, et que la tache qui s'ouvre devant nous sera longue et difficile.
Enthousiasmante aussi.
Le Scrutateur.
Document complémentaire au débat ci-dessus :
Une société multiculturelle est-elle possible?
Le Scrutateur publie, ce jour, dans la rubrique des Pages ( à droite, et en haut de la page d'accueil ) le texte du jour. Il s'agit de quelques pages du livre La création des cultures, du philosophe Raymond Polin. Il y est question du MULTICULTURALISME.
Texte profond et beau de ce philosophe, ancien professeur à la Sorbonne, dont j'ai été l'étudiant en...1964. Il contient, mais la totalité du livre également, de quoi faire réfléchir et « s'armer » pour le développement d'une société juste et équilibrée.
E. Boulogne.
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Peut-il exister des sociétés politiques multiculturelles ? Par Raymond Polin ( philosophe, ancien professeur à la Sorbonne, et membre de l'Institut de France).
« L'un des plus graves problèmes qu'affrontent les Etats d'Occident, c'est la constitution de sociétés dont on peut se demander si elles ne vont pas devenir de plus en plus des sociétés que l'on affuble déjà du qualificatif de multiculturelles.
Que des personnes, que quelques personnes appartenant à des cultures différentes, et même très hétérogènes, puissent entrer en dialogue et discuter de problèmes humains, traiter d'affaires sur des règles convenues et établir des contrats, leurs rapports entre eux tout extérieurs et très limités sont affaires de bonne volonté et de bonne foi de la part des protagonistes.
Que des étrangers viennent individuellement ou en groupes non concertés, visiter un pays, y séjourner plus ou moins longuement pour affaires ou par agrément, il faut à cette bonne volonté et à cette bonne foi entre gens du pays et étrangers ajouter, pour ceux-ci, le respect des lois et coutumes du pays d'accueil ainsi que les moyens de faire face aux frais de ce séjour. Ce peut être l'occasion d'un cosmopolitisme de bon aloi, capable parfois de s'avérer très fructueux.
Il peut même arriver qu'un étranger vienne s'installer avec sa famille dans un pays qui lui plaît, y résider de façon définitive, y prendre un travail, tout en gardant son statut d'étranger. S'il a les aptitudes et les moyens pour le faire, les mêmes dispositions suffisent.
Dans tous ces cas, qui sont tous des cas individuels et isolés, les étrangers à la communauté d'accueil ont entre eux et avec les gens du pays des relations de type privé fondées sur la bonne volonté, la bonne foi, le respect des lois et coutumes régnantes, un respect qui tend à valoir peu à peu assentiment et adhésion.
Tout change, en revanche, et pour trois raisons, si l'on envisage le cas où, dans le cadre d'une communauté culturelle politique préexistante, dans un Etat-nation moderne à l'occidentale, viendraient s'installer, en continuant à pratiquer leurs propres valeurs et leurs propres coutumes, des communautés culturelles fortement hétérogènes et continuant à vivre en blocs. Notons d'ailleurs que cette immigration systématique ne se passe jamais ainsi : ce sont des individus qui arrivent et s'installent isolément en avant-garde, et auprès desquels, peu à peu, s'agglomèrent d'autres individus, puis leur famille et leurs proches, jusqu'à former une communauté de fait rassemblée sur des lieux occupés et progressivement accaparés.
D'abord parce que ces communautés font intrusion dans un Etat : elles et leurs membres prennent des positions politiques. Ce ne sont pas simplement des sujets de droit, mais des citoyens et des collectivités de citoyens qui interviennent comme tels dans la vie et la politique du pays d'accueil.
Ensuite parce que ces communautés, développées à partir de flux migratoires massifs, provoquent des effets d'envahissement, d'invasion. Elles s'imposent comme d'encombrantes minorités, formant des groupes de pression puissants, et d'autant plus que leurs dimensions s'accroissent.
Enfin, parce que ces communautés veulent se constituer en ensembles solidaires autour de manières de vivre attachées scrupuleusement à leurs traditions religieuses, morales et même juridiques. Bien loin de tenter de résoudre leurs problèmes en s'efforçant de s'assimiler, ils insistent sur leurs différences, ils veulent faire triompher leurs particularités et les répandre autour d'eux. Aux réactions pénibles qu'ils provoquent, ils répondent par la mauvaise volonté, la mauvaise foi, l'intolérance. (souligné par Le Scrutateur ).
En exaltant leurs différences et leurs incompatibilités culturelles, ils rendent plus difficiles encore toutes les tentatives de compréhension réciproque, préviennent tout essai de conciliation, d'autant qu'il ne s'agit pas seulement de compréhension entre individus, mais de compréhension, ou simplement de tolérance, entre multitudes indéterminées. Ils vivent entre deux cultures, déracinés, marginalisés, de plus en plus mal supportés par la population environnante, qui ne voit en eux que des parasites et des incapables. Ils se trouvent eux-mêmes perdus d'incompréhension, désespérés, et bientôt révoltés à la fois contre la situation dans laquelle ils se sont fourvoyés et contre la société à laquelle ils ont imposé une présence non souhaitée et mal tolérée.
La culture qui se trouve être,volens nolens,une culture d'accueil, ne parvient plus au-delà d'un certain seuil d'infiltration, d'envahissement, d'invasion, à assimiler les immigrés s'installant sur son sol et y pratiquant obstinément la culture de leur ancien terroir. Ceux qui étaient des « barbares » de l'extérieur veulent demeurer des « barbares » à l'intérieur, pratiquent leurs propres coutumes et leurs propres mœurs, défendent leurs propres valeurs même si elles sont incompatibles avec celles du pays d'accueil. Ils sont peu à peu amenés à vivre en marge des lois du travail et des lois de l'Etat, à fomenter de l'intérieur une sorte de révolte civile larvée, qui peut tourner à la guérilla, où les raids de violence s'associent à des campagnes de désobéissance civile. (Souligné par LS.). Dans ce climat de désordre et de dissolution des mœurs, la population autochtone surprise, gênée, perturbée, soumise parfois à des gestes hostiles ou à une concurrence mal supportée, réagit, proteste, manifeste, cède la place ou s'insurge. Des conflits naissent, des violences éclatent et se multiplient. L'Etat, menacé dans sa vie culturelle, désordonné dans ses mœurs, défié dans son autorité politique, est mis en péril d'anarchie, en péril de dictature, dernier et funeste recours, ou, tout simplement, de survie.
Il faut reconnaître qu'au-delà d'un seuil assez bien connu, qui peut être, suivant les cultures en cause et la plus ou moins grande bonne ou mauvaise volonté de leurs membres, de l'ordre de 12 à 14 ou 15 %, les conditions de coexistence de ces communautés culturelles au sein de la communauté culturelle d'accueil sont de plus en plus conflictuelles. La survie de l'Etat risque d'être menacée, cela veut dire non seulement que la sécurité et l'ordre publics sont en danger, que l'autorité de l'Etat et des institutions est bafouée, mais que la culture elle-même entre en crise, à commencer par ses valeurs fondamentales, qui s'embrouillent et tombent en confusion ; les mœurs elles-mêmes risquent de se décomposer tandis que l'identité culturelle devient floue et que le sentiment national, la volonté nationale perdent peu à peu leur repère et leur âme ».
( In La création des cultures, P-U-F, collection Questions. pp. 208 à 211 ).