20 Novembre 2015
« L'optimiste est un imbécile heureux, le pessimiste est un imbécile triste » disait Georges Bernanos. Alain Finkielkraut n'est pas un imbécile, donc il n'est pas pessimiste.
L'actualité toutefois ne peut inciter à quelque forme que ce soit de l'optimisme. Son entretien avec Vincent Trémolet de Villers, dans le Figaro exprime donc une inquiétude profonde, une sorte d'angoisse que nous partageons avec lui.
Angoisse devant la sauvagerie de Daesh qu'il décrit avec perspicacité? Certes. Mais plus encore devant l'incapacité de nos dirigeants politiques, et de ses relais dans le monde médiatique, à des postes clef, à comprendre le danger, à pouvoir, et pire, à vouloir réagir contre lui.
Pour nous rassurer il y a l'émotion du peuple français en ces jours pathétiques, l'empressement de nombreux jeunes à vouloir s'engager au service de leur pays menacé, etc.
Même chez de nombreux musulmans, en France, on assiste à un dégoût proclamé de ce qui s'est passé, soit qu'ils aient commencé à être influencé par ce vieil humus chrétien qui est en France malgré le reflux relatif du christianisme français ( influence qui fait écumer de rage les « purs » de l'islamisme ), soit qu'ils cherchent à désarmer la colère du peuple français, qui pour l'instant demeure encore majoritaire chez lui.
Mais combien de temps durera cette « émotion ». On ne bâtit rien de solide et de durable avec des émotions seules.
Et déjà le cynisme de la classe dirigeante entreprend la contre offensive idéologique qui lui permettra de dissimuler ses écrasantes responsabilités dans notre malheur.
La lutte ouverte du gouvernement français, à la remorque des Américains, contre Bachar El Assad en Syrie, et au profit des islamistes du Front Al Nosra et d'Al Quaïda, est un prodige d'aveuglement, ou de complicité avec les criminels.
Incapables de toute imagination du fait de leur inculture religieuse, et de leur athéime à la Homais, nos dirigeants utilisent tous les moyens médiatiques dont ils disposent pour retourner les coeurs, et ou oblitérer les mémoires.
Le plus comique ( mais en fait tragique et d'un invraisemblable culot ) des propos tenus sur nos antennes a été, hier, sur LCI celui-ci que j'ai entendu, médusé, : « M. Poutine se rallie à François Hollande et commande à la flotte russe en Méditerranée aux manoeuvres du porte-avion Charles de Gaulle ». Goebbels l'avait dit, « plus un mensonge est gros mieux il passe ». Or, c'est Hollande qui désormais applique, depuis 4 jours, la politique du véritable homme d'Etat V. Poutine ( après avoir rompu le contrat de livraison des frégates commandées à la France depuis des années ).
Plus c'est gros, mieux ça passe.
Et comment, espérer quelque chose d'un gouvernement dont les principaux membres et ses alliés médiatiques sont des partisans avérées de l'islam?
Donc M. A. Finkielkraut a raison. La France est en grand danger, et il est temps d'en repérer les causes, dont toutes ne sont pas au moyen-orient, mais en France, dans de hautes sphères, et dans la masse des petits militants imbéciles, bouchés à l'emeri : ( http://www.expressio.fr/expressions/etre-bouche-a-l-emeri.php ) qui quoique fassent leurs chefs resteront fidèles à leur führer cynique et décontracté.
Prenons la peine de lire, et de méditer le message du philosophe.
Le Scrutateur.
Par Vincent Tremolet de Villers INTERVIEW EXCLUSIVE - Une semaine après le carnage du 13 novembre, le philosophe exprime son accablement et son inquiétude devant la confirmation du retour violent d'une Histoire qui «n'est pas belle à voir». Il s'élève contre «l'ethnocentrisme de la mauvaise conscience de l'Occident». Sa parole exigeante trouve un écho profond dans l'inconscient collectif. Comme il est écouté, comme il est lu, il est régulièrement qualifié de «populiste», en tête de la nuée des «oiseaux de malheurs». Ces intellectuels que certains voulaient faire taire quand il fallait, plus que jamais, les entendre. Dans La Seule Exactitude*, son dernier ouvrage, Alain Finkielkraut intitule son chapitre consacré aux attentats de Copenhague (en février 2015) «Le tragique de répétition». Une semaine après les attentats du 13 novembre, le philosophe espère qu'un sursaut national permettra à la France de vaincre l'État islamique en Irak et en Syrie et de reprendre les territoires qui, sur notre sol, sont déjà entrés en sécession culturelle. LE FIGARO. - Dix mois après les attentats des 7, 8 et 9 janvier, Paris et sa banlieue ont été le théâtre de scènes de guerre. Cent trente personnes sont mortes. On compte des centaines de blessés. Le pays est traumatisé. Le mot «guerre» est sur toutes les lèvres. Quel sentiment prime chez vous: le chagrin, l'inquiétude ou la colère? Alain FINKIELKRAUT. - Ce qui domine en moi, c'est l'accablement et même le désespoir. Comme le rappelait dans ces colonnes Jean-Pierre Le Goff, la disparition des grandes idéologies avait pu laisser croire à l'avènement d'un monde unifié et pacifié sous la triple modalité de l'économie de marché, d'Internet et des droits de l'homme. Cette illusion se dissipe brutalement: nous vivons la fin de la fin de l'Histoire. L'Histoire fait son retour dans un pays et sur un continent qui se croyaient définitivement hors d'atteinte. Et cette Histoire n'est pas belle à voir. Ce n'est pas la réalisation triomphale de l'esprit décrite par Hegel. Ce n'est pas le grand récit palpitant de l'émancipation universelle. Ce n'est pas le progrès de l'humanité jusqu'à son accomplissement final. Ce n'est pas, entre guerre d'Espagne et 2e DB, la geste héroïque rêvée par Régis Debray et tant d'autres. Bref, ce n'est pas Madame H. (1), c'est l'Histoire avec une grande hache, qui, au titre de «croisés», d'«impies» ou d'«idolâtres», peut nous faucher n'importe où, à tout moment, quels que soient notre âge, notre sexe, notre profession ou notre appartenance. Les spectateurs du Bataclan et les clients de La Bonne Bière, de La Belle Équipe, du Carillon et du Petit Cambodge ne portaient pas d'uniforme. Ils ne militaient pour aucune cause, ils ne remplissaient aucun mandat. Ils buvaient un coup, ils partageaient un repas, ils écoutaient un concert: ils ont pourtant été tués. Nous avons beau vivre en démocratie, le totalitarisme de l'Histoire est désormais notre lot. Totalitarisme, en effet, car, loin d'accoucher de la liberté, la violence qui se déchaîne est une calamité sans échappatoire, un fléau auquel personne n'est libre de se soustraire. Envolée comme promesse, l'Histoire ressurgit comme destin et nous dépouille pour longtemps de notre droit à l'insouciance. Pour résumer le bonheur parfait, les Juifs d'Europe centrale disaient: «Wie Gott in Frankreich.» Selon Saul Bellow, cette expression signifie que «Dieu serait parfaitement heureux en France parce qu'il ne serait pas dérangé par les prières, rites, bénédictions et demandes d'interprétation de délicates questions diététiques. Environné d'incroyants, Lui aussi pourrait se détendre le soir venu tout comme des milliers de Parisiens dans leur café préféré. Peu de choses sont plus agréables, plus civilisées qu'une terrasse tranquille au crépuscule.» Paris était «la ville sainte de la laïcité», mais les massacres du 13 novembre ont fait le malheur de Dieu. «Nous avons voulu avec l'Union européenne instaurer le règne de la paix perpétuelle. Notre grand rêve helvétique se fracasse aujourd'hui sur la réalité de l'islamisme» Alain Finkielkraut Une rhétorique antiterroriste rythme les discours de nos gouvernants et de nos politiques. Notre ennemi, c'est le terrorisme? Nous avons voulu, avec l'Union européenne, instaurer le règne de la paix perpétuelle. Notre grand rêve helvétique se fracasse aujourd'hui sur la réalité de l'islamisme. De la haine qu'il nous voue, cet ennemi n'a jamais fait mystère. Il joue cartes sur table et pourtant nous avons longtemps refusé de l'identifier. Lâcheté? Non, mémoire. Du Juif, c'est-à-dire, selon l'expression de Jankélévitch, de l'Autre indiscernable, de l'Autre imperceptiblement Autre, Hitler avait fait l'ennemi, et même l'ennemi absolu. Pour ne pas récidiver, le parti intellectuel composé aujourd'hui d'universitaires, de journalistes et de personnalités du show-biz en appelle, quand surgit l'ennemi, au respect de l'Autre. Dans l'Europe posthitlérienne, l'antiracisme tient lieu de vision du monde et on expie le fait d'avoir pris l'Autre pour l'ennemi en prenant l'ennemi pour l'Autre. Ce contresens fatal a survécu au 11 janvier. Survivra-t-il au traumatisme du 13 novembre? C'est toute la question. Avant le 13 novembre, le débat intellectuel était très tendu. L'unité nationale est-elle possible chez les intellectuels? Les semaines qui ont précédé le carnage ont été occupées par une campagne de presse assourdissante contre les «néoréacs». Les éditorialistes dressaient des listes. Des historiens, des sociologues, des philosophes, des «humoristes» même s'inquiétaient des risques de contamination et préconisaient la plus extrême vigilance. Ma tête était mise à prix pour ce crime: nommer l'ennemi au lieu de dénoncer les humiliations infligées à l'Autre et de faire le procès du Même (c'est-à-dire de l'identité nationale). Contre cette pensée «nauséabonde» et «putride», L'Obs a battu le rappel des nouveaux intellos de gauche et promis sur une pastille jaune (oui, jaune!) en couverture «0 % de Finkielkraut, Zemmour et les autres», et Alain Badiou, sur le site de ce journal où soufflait naguère l'esprit d'Albert Camus, a expliqué le plus sérieusement du monde qu'il ne pouvait se rendre à mon émission «Répliques» (où je l'avais invité pour le mois de janvier prochain) du fait du «devenir central» dans ma pensée «du concept néonazi d'État ethnique». Le fils d'un rescapé d'Auschwitz nazifié alors qu'il puise son inspiration dans l'œuvre de Péguy et non dans celle de Barrès ou de Vacher de Lapouge! Cette impudence témoigne de la férocité de l'idéologie aujourd'hui en France. Démentie par les faits, elle se jette sauvagement sur celui qui les rapporte. On préfère anéantir le messager plutôt que d'entendre un message qui oblige à voir la réalité et à penser autrement.
«Plus il y a d'immigrés venus du monde arabo-musulman, plus la communauté nationale se fragmente et plus se développe la propagande radicale. Mais est-il encore temps?», se demande Alain Finkielkraut. - Crédits photo : Jean-Christophe MARMARA/Le Figaro Voir la réalité, n'est-ce pas résister à la tentation de l'amalgame? Par la multiplication des attentats, l'État islamique veut provoquer des lynchages, des attaques de mosquées, des agressions contre les femmes voilées et déclencher ainsi une guerre civile. Ce serait donc tomber dans le piège mortel qu'il nous tend que d'incriminer l'ensemble des musulmans de France. Nombre d'entre eux se sentent pris en otages par les barbares. L'islamisme n'est pas tout l'islam, loin s'en faut. Mais ce n'est pas non plus un phénomène marginal ni une création de l'Occident. Nous n'avons pas, par nos politiques néocoloniales, nos guerres impérialistes et nos pratiques discriminatoires, enfanté ce monstre. Nous ne payons pas pour nos crimes. L'obligation du djihad, rappelle Bernard Lewis, se fonde sur l'universalité de la révélation musulmane: «Cette obligation n'a de limite ni dans le temps ni dans l'espace. Elle doit durer jusqu'à ce que le monde entier ait rallié la foi musulmane ou se soit soumis à l'autorité de l'État islamique. Jusqu'à ce moment, le monde est partagé en deux: la maison de l'islam et la maison de la guerre. Entre les deux existe un état de guerre moralement nécessaire, juridiquement et religieusement obligatoire jusqu'au triomphe final et inévitable de l'islam sur l'incroyance.»Bref, le djihad n'est pas un retour de bâton, c'est un projet de conquête. L'Occident doit se défaire de la croyance mégalomaniaque que, pour le meilleur et pour le pire, c'est toujours lui qui mène le bal. Il faut en finir avec l'ethnocentrisme de la mauvaise conscience. Les islamistes ne sont pas des corollaires, ce sont des sujets historiques à part entière. Aujourd'hui l'État islamique a une adresse. Le califat n'est plus un rêve mais un lieu. On peut donc et on doit répondre par la guerre à la terreur qu'il répand. Daech constitue une menace pour le monde entier. Mais ce n'est pas en bombardant Raqqa qu'on réglera le problème posé par la sécession culturelle à Molenbeek et dans de nombreuses cités françaises ou par la montée de l'intégrisme religieux jusque chez les chauffeurs de bus de la RATP. Sommes-nous prêts pour cette longue lutte? Lutter contre l'islamisme, c'est se donner les moyens de reprendre les territoires perdus de la nation en reconstruisant l'école républicaine abêtie, abîmée et même saccagée par un demi-siècle de réformes démagogiques et en maîtrisant les flux migratoires, car plus il y a d'immigrés venus du monde arabo-musulman, plus la communauté nationale se fragmente et plus se développe la propagande radicale. Mais est-il encore temps? Dans votre dernier ouvrage,La Seule Exactitude (Stock), vous méditez sur le sursaut du 11 janvier, les espérances et les déceptions que cette marche a pu faire naître. S'agit-il désormais d'histoire ancienne? L'esprit du 11 janvier était un leurre. Mon seul et fragile espoir est que le 13 novembre nous ait enfin ouvert les yeux. (1) Titre du dernier ouvrage de Régis Debray consacré à la disparition de l'Histoire. |