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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

Périclès serait allé chez Ruquier, par Philippe Bilger.

Périclès serait allé chez Ruquier, par Philippe Bilger.
Périclès serait allé chez Ruquier, par Philippe Bilger.

Récemment j’ai lu une tribune argumentée qui invitait les politiques à ne plus se rendre à l’émission de Ruquier, ONPC.

Je ne partage pas du tout ce point de vue. […]

Il est […] des refus compréhensibles mais qui ne sauraient être érigés en une règle générale. Quand François Fillon a décidé de participer au « Grand Journal » en considérant qu’ONPC avait dépassé la frontière de l’acceptable pour une personnalité politique, sa psychologie, sa pudeur et son sens de la tenue rendent cette discrimination limpide. […]

Il serait désastreux que son exemple soit suivi et qu’il y ait des désertions multiples du champ de bataille. Car l’espace médiatique ne doit pas être abandonné à un seul camp. Celui du divertissement qui sera encore plus promotionnel et vulgaire si on lui laisse la bride sur le cou et si tous ceux capables de troubler cette médiocre congratulation hilare et collective font défaut.

Derrière ce conseil donné aux politiques, il y a l’acceptation de cette idée fausse qui ne cesse de flatter les médias et notamment ces émissions qui se poussent du col : il faut avoir peur d’elles et, mieux encore, les éviter. C’est accorder aux journalistes et aux animateurs une sorte de présomption de supériorité qui, d’emblée, handicape les invités tentés d’y intervenir et d’y répondre. […]

Les joutes médiatiques, aujourd’hui, ne doivent pas être récusées en tant que telles mais affrontées. En effet, pour peu qu’on s’abandonne à un rigide puritanisme sur le plan de l’audiovisuel, ce n’est pas seulement ONPC qu’il conviendrait d’abandonner à son habitude de pouffer en permanence mais aussi, par exemple, la matinale de France Inter.

Alain Finkielkraut a accepté d’y venir, pour la promotion d’un livre et courageusement, brillamment, il a tenté de développer une pensée constamment coupée par des acidités, des interjections et des contradictions, notamment de Patrick Cohen qui prétendait savoir mieux que son invité ce qu’avait écrit et voulu dire Charles de Gaulle. On pourrait tirer de cette expérience l’obligation, aussi, de ne plus offrir à cette radio une présence qui l’honore et la dépasse ? Pourtant, il fallait y aller !

[…] Faut-il y aller ou non ? […]. Les émissions contestables sont-elles forcément plus fortes que leur invité principal ou celui-ci peut-il faire valoir ce qu’il vaut, répondre, répliquer, contredire ?

[…] Périclès a déclaré, selon Thucydide […], qu’entre « être libre ou se reposer, il faut choisir ». […]

Une pensée mécanique, une parole écrite ou apprise par cœur, une approbation sans nerf et confortable laissent frais, en repos.

Alors que la liberté fatigue. Parler à partir de soi seulement est épuisant, à la télévision, à la radio ou dans des conférences. Faire surgir spontanément, sans le recours à mille citations, une réflexion, l’insérer dans un langage maîtrisé, courtois mais créé dans l’instant même où il s’élabore et se profère est un exercice qui fait exister mais exige une énergie que les tièdes et les bureaucrates de l’esprit et du verbe ne parviennent pas à concevoir.

On ne va pas lutter, alors qu’on le devrait […]. Plutôt que d’être vidé, on se soumet ou on se démet.

Périclès a raison. L’exercice concret de la liberté est aux antipodes du repos qui est l’ennemi de toutes les audaces nécessaires et provocations stimulantes. […] Il serait évidemment allé à ONPC. Et sur France Inter. La politique de présence est bien préférable, tous comptes faits, à l’effacement masqué en sagesse. Il convient de remettre à leur place […] ces journalistes et animateurs qui s’imaginent supérieurs à ceux qu’ils ont sollicités, comme le commentaire au texte et le contrôle à l’action. […]

Mais il n’y a qu’en amour que le salut est dans la fuite, comme Napoléon l’a finement analysé.

Pas dans l’audiovisuel.

 

Philippe Bilger.

Périclès serait allé chez Ruquier, par Philippe Bilger.
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