25 Septembre 2015
Guillaume de Prémare interroge Gautier Bès sur l'écologie et l'encyclique Laudato Si du Pape François
L'écologie est la « science qui étudie les milieux où vivent et se reproduisent les êtres vivants, ainsi que les rapports de ces êtres avec le milieu » |
Elle est aussi, dans le marigot de la politique, le nom que s'est choisie une idéologie matérialiste, qui aime se présenter masquée, et dont on a pu dire que ses sectateurs étaient verts à l'extérieur, et rouges à l'intérieur. Le pur Daniel Cohn-Bendit, la si sympathique Efa Cholie, la douce Cécile Duflot en sont des figures charismatiques.
En elle-même l'écologie n'est ni de gauche, ni de droite. Du moins si l'on réussit à cerner sa nature et ses finalités. C'est la raison pour laquelle l'écologie ne devrait d'ailleurs pas être un parti politique, mais devrait être une préoccupation à l'intérieur de tous les partis, les différences devant être des nuances d'appréciations sur le tâches à accomplir, et la concurrence une chance de progrès plutôt qu'une occasion de dispute et d'excommunications réciproques.
C'est la raison pour laquelle la publication, sur ce sujet, mais à mille mille aux dessus des criailleries politicardes de la récente encyclique du pape François Laudato si, doit être considérée comme une chance pour ceux qui veulent élever le débat et permettre une évolution positive du monde à un moment crucial de son histoire. Pour mieux faire comprendre ce dont il s'agit j'ai choisi aujourd'hui de vous proposer d'écouter une interview d'un jeune auteur, Gautier Bès, qui vient de publier un livre sur ces questions, et qui s'exprime ici dans le cadre des activités de l'Association Icthus.
Icthus est un mot grec signifiant poisson.
Au début du christianisme, ce symbole était utilisé par les chrétiens pour se reconnaître entre eux. Il est composé des initiales des cinq mots grecs: «Ièsous Christos Theou Uios Sôter» = Jésus Christ Fils du Dieu Sauveur.
Icthus dont le siège est à Paris, dans le dix-septième arrondissement, est une association chrétienne catholique, à vocation pédagogique, et politique, mais au sens large du terme. Autrement dit ce n'est pas un parti politique.
Elle a une vocation de service, orientée vers ceux qui veulent agir dans un sens chrétien au service de la Cité, en dépassant le prêchi-prêcha, et les belles intentions, mais inconsistantes sur le plan intellectuel.
Il y a longtemps, qu'en pleine liberté je suis en relation avec ce mouvement, et l'un de ses dirigeants me fit l'honneur de préfacer l'un de mes ouvrages France, garde-nous.
Je vous propose donc d'écouter Gautier Bès. Sans doute cette écoute demande un peu d'attention, mais je sais pouvoir la demander à la plupart des lecteurs du blog.
N'oubliez pas de ranger cet article parmi vos favoris, pour y revenir. Vous pourrez également le réécouter en recourant aux archives du Scrutateur, qui constituent un arsenal de réflexions de fond pour faire face au désordre annihilateur au pouvoir en France, hélas pas seulement à gauche.
Edouard Boulogne.
( I ) L'interview de Gautier Brès.
( II ) Laudato Si : « Tout est lié » – la petite voie pour « semer la beauté » -
( Dans la revue Permanences. ).
Dans son Encyclique Laudato Si, le Pape François s’appuie sur l’exemple Saint François pour démontrer à « quel point sont inséparables la préoccupation pour la nature, la justice envers les pauvres, l’engagement pour la société et la paix intérieure (n°10) ».
Pour lui « tout changement a besoin de motivations et d’un chemin éducatif (n°15) » et les problèmes actuels sont « intimement liés à la culture du déchet, qui affecte aussi bien les personnes exclues que les choses, vite transformées en ordures(n°22) ». A plusieurs reprises dans sa lettre, le Pape le dira : « Tout est lié. Il faut donc une préoccupation pour l’environnement unie à un amour sincère envers les êtres humains, et à un engagement constant pour les problèmes de la société (n°91) ».
Cette Encyclique est une récapitulation immense de la Doctrine Sociale de l’Église mise en perspective avec les enjeux actuels de l’humanité. Philosophes[ii], politiques, économistes, scientifiques, religieux, théologiens et artistes y trouveront matière à débats et approfondissements mais surtout un appel à l’action urgente en vue du bien commun.
« Il n’y a pas deux crises séparées, dit le Pape, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale. Les possibilités de solution requièrent une approche intégrale pour combattre la pauvreté, pour rendre la dignité aux exclus et simultanément pour préserver la nature (n°139) ».
En conséquence, l’écologie sociale est nécessairement institutionnelle. A l’intérieur de chaque groupe social primaire, la famille comme pour la communauté locale et la nation, jusqu’à la vie internationale doivent être développées les institutions qui régulent les relations humaines (n°142). Mais il ne faut pas croire que les institutions puissent suffire, ni même la seule conversion personnelle. Puisque tout est lié, une véritable écologie culturelle est nécessaire dans la durée en prenant en compte l’histoire, la culture et l’architecture d’un lieu.
« L’écologie suppose aussi la préservation des richesses culturelles de l’humanité au sens le plus large du terme (n°143) ».
L’Encyclique dresse un constat terrible des multiples dangers du « relativiste pratique » et du paradigme consumériste qui soumet tous les arbitrages à la collusion des pouvoirs de la technique et de l’argent et fait de la nature et des plus faibles des hommes des variables d’ajustements. C’est encore plus qu’un style de vie qu’il faut changer car tout est lié.
« La culture écologique ne peut pas se réduire à une série de réponses urgentes et partielles aux problèmes qui sont en train d’apparaître par rapport à la dégradation de l’environnement, à l’épuisement des réserves naturelles et à la pollution. Elle devrait être un regard différent, une pensée, une politique, un programme éducatif, un style de vie et une spiritualité qui constitueraient une résistance face à l’avancée du paradigme technocratique (n°111) ».
Il faut en effet apprendre à voir dans la création le message et les dynamismes inscrits par le Créateur. Le professeur Jérôme Lejeune disait en généticien inspiré par Saint Jean : « au commencement, il y a un message [iii]».
C’est pour cette raison fondamentale que « tout n’est pas perdu, nous dit le Pape, parce que les êtres humains, capables de se dégrader à l’extrême, peuvent aussi se surmonter, opter de nouveau pour le bien et se régénérer, au-delà de tous les conditionnements mentaux et sociaux qu’on leur impose. Ils sont capables de se regarder eux-mêmes avec honnêteté, de révéler au grand jour leur propre dégoût et d’initier de nouveaux chemins vers la vraie liberté. Il n’y a pas de systèmes qui annulent complètement l’ouverture au bien, à la vérité et à la beauté, ni la capacité de réaction que Dieu continue d’encourager du plus profond des cœurs humains (n°205) ». Or « Dieu a créé le monde en y inscrivant un ordre et un dynamisme que l’être humain n’a pas le droit d’ignorer (n°221) ». « L’homme n’est pas seulement une liberté qui se crée de soi. L’homme ne se crée pas lui-même. Il est esprit et volonté, mais il est aussi nature (n°6)».
Comment apprendre à découvrir cette ordre et ce dynamisme dans la nature ?
L’individualisme est si fort que pour ne pas abuser de la nature ni instrumentaliser l’homme et la création, il faut absolument l’aimer. Pour l’aimer, nous dit le Pape, il faut y voir la bonté et la beauté de Dieu. « Prêter attention à la beauté, et l’aimer, nous aide à sortir du pragmatisme utilitariste (n°215) ». Nous devons faire l’expérience d’une conversion, d’un changement du cœur car on ne peut s’engager dans de grandes choses seulement avec des doctrines sans « les mobiles intérieurs qui poussent, motivent, encouragent et donnent sens à l’action personnelle et communautaire (n°218) ».
Il s’agit donc de susciter par l’éducation de petites actions quotidiennes pour sauvegarder la création (n°211). Le Pape redit combien la famille est le lieu privilégié de cette conversion et de ce changement culturel. « Dans la famille, nous dit-il, on apprend à demander une permission avec respect, à dire “merci” comme expression d’une juste évaluation des choses qu’on reçoit, à dominer l’agressivité ou la voracité, et à demander pardon quand on cause un dommage. Ces petits gestes de sincère courtoisie aident à construire une culture de la vie partagée et du respect pour ce qui nous entoure (n°213) ». Le Pape insiste en effet sur le désir de transmettre à ses enfants un plus et non de consommer pour ne laisser que moins… L’enjeu culturel est donc immense. Les politiciens partisans et les « gros monsieurs cramoisis » du Petit Prince prendront des airs supérieurs pour instrumentaliser la cause écologique à leur profit dans l’immédiateté mais sans résultat. « Le temps est supérieur à l’espace » et à vouloir tout régler dans l’instant nous pourrions ne jamais rien faire de durable. Le Pape nous encourage donc à initier des processus qui deviendront avec le temps des changements culturels et historiques car « nous sommes toujours plus féconds quand nous nous préoccupons plus d’élaborer des processus que de nous emparer des espaces de pouvoir (n°171) ».
A nous donc, en particulier aux chrétiens, de rechercher les actions simples pour « remettre le clocher au centre du village » ! Comme exemple de petites actions capable d’initier ce processus de conversion du cœur pour une écologie intégrale, le Pape donne le « Benedicite » et les Grâces avant et après le repas. Il « propose aux croyants de renouer avec cette belle habitude et de la vivre en profondeur. Ce moment de la bénédiction, bien qu’il soit très bref, nous rappelle notre dépendance de Dieu pour la vie (A), il fortifie notre sentiment de gratitude pour les dons de la création (B), reconnaît ceux qui par leur travail fournissent ces biens (C), et renforce la solidarité avec ceux qui sont le plus dans le besoin (n°227).(D) »
Les quatre perspectives (A,B,C,D) du « Benedicite », illustrées par quelques extraits de l’Encyclique dans ce numéro de Permanences et sur le site internet d’Ichtus[iv], sont comme l’essentiel des fondements culturels d’un style de vie joint à une capacité d’admiration. Le Pape François nous propose ainsi d’ancrer chaque jour cet enseignement dans nos mémoires et dans nos habitudes pour que « nous soyons des protecteurs du monde et non des prédateurs, pour que nous semions la beauté et non la pollution ni la destruction (n°245).
Si l’enjeu est politique, la conversion écologique est une conversion spirituelle et culturelle qui nous demande d’apprendre à voir l’art du Créateur dans la nature pour en semer à notre tour la bonté et la beauté.
Bruno de Saint Chamas
[i] Laudato SI – 245 – Les n° dans le texte renvoient aux n° dans l’encyclique.
[ii] Reprenant la demande de Benoît XVI pour qu’une métaphysique de la relation soit développée, le Pape François nous dit que « Les Personnes divines sont des relations subsistantes, et le monde, créé selon le modèle divin, est un tissu de relations ». Tout est lié.
[iii] Audio : http://www.ichtus.fr/la-genetique-et-les-dons-de-lesprit-saint-1225-professeur-jerome-lejeune/
[iv] http://www.ichtus.fr/a-table-le-sens-du-benedicite-et-du-deo-gratias-dans-laudato-si/
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