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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

En souvenir d'un noble poète Guadeloupéen : Emile Isaac.

En souvenir d'un noble poète Guadeloupéen : Emile Isaac.
En souvenir d'un noble poète Guadeloupéen : Emile Isaac.

Emile Isaac fut le fils d'Alexandre Isaac, importante personnalité de la 3ème République, dont une rue de Pointe-à-Pitre porte aujourd'hui le nom, et fondateur du Lycée Carnot; ce Sadi Carnot qui était le président de la République à cette date.

C'est à son fils, Emile, que je veux rendre hommage aujourd'hui. Notamment en publiant celui qui lui fut fait par Edmond Dupland à sa mort au début des années 70, à l'âge de 97 ans.

Je l'ai connu en 1958, j'avais 16 ans, lui était à l'automne de sa vie. Je l'avais vu au théâtre, un an auparavant, jouant dans une pièce de Germaine Acremant : Ces dames aux chapeaux verts.

Lycéen, je m'intéressais au théâtre, plus qu'aux cours de mathématiques. Je lisais régulièrement le magazine Cinémonde, et je me serais bien vu Sociétaire de la Comédie française, ou mieux ( ou pire ) vedette de Cinéma ( Alain Delon faisait alors ses premiers pas sur les écrans !! ).

Aussi, je m'étais agrégé à une troupe théâtrale Le Parthénon, fondée et animée par un de mes professeurs, Luigy Colat-Jolivière.

Le Parthénon tenait ses réunions, et répétitions, chez Emile Isaac ( rue Schoelcher, dans une grande maison créole qui existe encore, mais aujourd'hui bien décrépite ), qui ouvrait son salon à cette jeunesse qu'il dirigeait avec beaucoup d'habileté avec son épouse, alors Armelle Hue.

C'est ainsi qu'au fil des années j'eus l'honneur de participer à des représentations théâtrales, tant du théâtre classique que du théâtre contemporain, dont une pièce policière dont l'auteur était Emile Isaac lui-même : Un mort est entre nous.

Tout cela fut très intéressant et enrichissant, mais je m'orientai, peu à peu, tout de même, ( ! ) vers d'autres horizons que l'art dramatique.

Avec Emile Isaac, les rapports, toujours respectueux, devinrent plus amicaux et intimes, malgré l'énorme différence d'âge. J'appris beaucoup de cet homme cultivé, et spirituel qui avait connu une Guadeloupe d'une autre époque, et qui transmettait la part d'héritage qu'il portait en lui, presqu'à son insu, sans jamais jouer au maître, ce qui est une qualité pédagogique aussi rare qu'efficace.

Je n'en dirai pas plus sur sa carrière et le passé que je n'avais pas connu, puisque M.Edmond Dupland qui lui aussi nous a quitté s'acquitte fort bien ci-dessous de cette tâche.

Dans cette nécrologie pieuse et précise, E.Dupland évoque la pluralité des dons d'E.Isaac, homme d'affaire, administrateur, mais aussi auteur, acteur, photographe d'art à l'instar d'un Gilbert de Chambertrand, et sur la fin s'amusant à camper des personnages ou des scènes en fil de fer. Deux des photographies illustrant cet article montrent ce qu'il fit à cet égard du Scrutateur. L'esquisse en fil de fer ayant été, malheureusement, quelque peu endommagée au fil du temps.

 

Edouard Boulogne.

 

Photographies :

 

1 ) Emile Isaac, déjà âgé.

 

2 ) A la fin des « dames aux chapeaux verts », les acteurs viennent saluer le public. Emile est à droite de la photo, à côté d'une demoiselle formidablement coiffée. LS n'était pas encore membre de la troupe ( 1957 ).

 

3 ) Couverture de Catherine d'Albret.

 

4 ) Dédicace de cette pièce au jeune E.Boulogne.

 

5 ) E. Isaac quelques mois avant sa mort.

 

6 et 7 ) Billet d'E I à EB fin 1971, à l'occasion de la nouvelle année qui approche.

 

8 ) EB, par E I .

 

9 ) Le même en fil de fer.

 

 

Emouvantes obsèques du poète Emile Isaac

 

. .De nombreuses personnalités de la Guadeloupe ont rendu un dernier hommage, mercredi, an poète Emile Isaac, qui vient de s'éteindre à l'âge de 97 ans. Fils d'Alexandre Isaac, ce grand administrateur gnadeloupéen, artisan de l'avènement de l'en­seignement public et gratuit dans notre île et «  père » dn lycée Carnot de Pointe-à- Pitre, Emile Isaac, ce petit homme an regard si doux que connais­saient tous les enfants de la cité dn Raizet. s'illustra de fait dans bien des domaines : commerce, industrie ( si bien qu'il fût nommé vice président de la Chambre de Commerce et d'In­dustrie de Pointe à Pitre et con­seiller du Commerce Extérieur de la France ), photographe d'art, peintre, sculpteur, acteur et auteur de théâtre, journaliste, romancier, rien de ce qui était humain ne lui était étranger... . .Ce fut donc une foule venue de tous les horizons qui l'accom­pagna a sa dernière demeure. Derrière sa fille, Mme Josiane Paulin, présidente du Club Soroptimiste, son époux, M. Roger Paulin ; l'on pouvait en effet reconnaître MM. Bellaire, Dnpland, Fortuné et Lara, représentant le Consistoire des Jeux Floraux de la Guadeloupe, M. Joseph-Théodore, premier adjoint au maire des Abymes, le Dr Nithila, Mme Delporte, MM. Nora et Rodigneanx, de la Chambre de Commerce et d'In­dustrie de Pointe à Pitre, M. Jean Rivier ancien président de la même chambre, Mes Mathnrin, MM. Littée, Boulogne et Colat-Jolivière, les frères Claude-Gervais. une importante délégation dn Club Soroptimis­te, et, bien sûr, les parents et des dizaines d'antres amis. Vers 16h, quittant la petite maison à la terrasse décorée de portraits en fer forgé réalisés par Emile Isaac, le cortège se forma et gagna à pied, l'église Saint Michel du Raizet. Après le service religieux. Emile Isaac devait être inhumé an cimetière de Pointe à Pitre, où, devant sa tombe, de nom­breux et vibrants hommages devaient lui être rendus par ses amis les poètes. Lisez ci-dessous celui qu'Edmond Dnpland a choisi de confier à notre jour­nal : ( France-Antilles ).

 

« C'est une tâche bien difficile que celle consistant à rendre à un personnage de la dimension d'Emile Isaac, l'hommage qu'il mériterait véritablement. A la réflexion, le panégyriste, dans son ambition légitime se sent submergé par les dons et les qualités de tous ordres qu'il a déployés dans le champ illimité de l'Intelligence, des Lettres et de la Culture; Une monographie, que dis-je, un ouvrage entier serait nécessaire pour donner une idée exacte de la place réelle prise dans sa petite île par cet homme d'une valeur confinant à l'universel.

On connaît son action dans le domaine de l'industrie et du commerce; où il apparaît com­me un pionnier en des temps où l'île se cherchait. Prenant des risques, mettant sur pied des entreprises, ses mérites furent consacrés par sa nomination, un poste de vice-président de la Chambre de Commerce de Poin­te à Pitre et à la dignité de Con­seiller du Commerce extérieur de la France — Et c'est ainsi que la marge de ses activités, il y a près de soixante ans, son esprit curieux l'amena à se con­sacrer non sans succès à des recherches sur la photographie en couleur.

Sur les plans littéraires et artistiques, très tôt, dans sa jeunesse, il s'adonne à la poésie et compose des magnifiques poèmes tel que «Le Retour» écrit â l'âge de vingt ans.

la fougue de son tempéra­ment, son érudition, l'entraînent vers le journalisme qui lui per­met de se révéler comme un polémiste et un bretteur de mots d'autant plus redoutable que de sa lame bien acérée et de pur acier scintillent les éclairs de cet esprit bien français qui ne pardonne pas à l'adversaire, lequel, ensuite, chevaleresquement, devient un ami.

Mais, avec l'âge, Emile Isaac se consacre à des activités •encore plus exhaustives. Bien des Guadeloupéens se souviennent encore de la troupe théâtrale Norville qui, en 1948, composée d'acteurs renommés, avait fait appel pour monter La Pas­sion » dans les diverses com­munes de la Guadeloupe à des acteurs du cru, les plus réputés s'entend ; Emile Isaac fut choisi et ses qualités extraordinaires lui permirent dans le rôle me semble-t-il de Ponce Pilate, de créer un personnage si plein de vérité et de nuances que l'ama­teur rendit jaloux les profes­sionnels.

Le théâtre ! une de ses raisons de vivre ! En 1956, il anime la troupe locale du Parthénon dont les membres se réunissent chez lui. Elle est composée de jeunes intellectuels qui, discutant de littérature, d'art, constituent ainsi un véritable salon littéraire, le dernier sans doute de la Guadeloupe. Le Parthénon joue donc des oeuvres théâtrales, Emile Isaac, faisant oeuvre de metteur en scène, mais restant acteur.Il se pro­duit entre autres dans « Ces dames aux chapeaux verts ». «Les précieuses ridicules» et «Oedipe Roi » de Sophocle » ,organise des soirées de variétés dans lesquelles il dit des extraits des auteurs classiques et modernes. Et, toujours, c'est le même talent qui se déploie sur les diverses scènes, et le même succès, récompensant ce talent qui se manifeste aussi en langue créole, car Emile Isaac admire Baudot et il y puise abondamment. Mais l'acteur devient vite auteur et non des moindres. C'est d'abord la tragédie lyrique Catherine d'Albert créée au d'Arbaud le 12 mars 1949, à Bas­se Terre avec un succès con­sidérable puis, à l'occasion de l'arrivée en Guadeloupe de Raoul Follereau, « La lépreu­se » et enfin « Un mort est entre nous » créé à Pointe à Pitre au Sélect sous la présidence de Monsieur le Préfet Abeille. Cet­te pièce avait fait d'Emile Isaac un lauréat du Prix Littéraire Adolphe Belot.Il avait tiré de cette pièce un roman qui aurait permis à ce prosateur sans pareil de donner la mesure de sa vraie valeur si certains clans littéraires en métropole ne connaissaient les voies et les moyens de se réserver les succès en librairies.

Dans toutes ces pièces Emile Isaac à l'exclusion des qualités strictement scéniques et de stylisme développe avec convic­tion et éloquence les principes humanitaires et de justice sociale les plus nobles « reflétant les sentiments inti­mes de l'« honnête homme » et de l'homme honnête qu'il fut.

Dans les derniers temps de sa vie, il avait travaillé à un autre drame dont le titre prévu était le « Messie d'Israël » mais dans son obsession de la perfection, jamais satisfait des premières montures, l'auteur ne put mener, l'oeuvre à son terme. Il en découla sans doute un des ulti­mes regrets de celui qui, authen­tique artiste, peintre et sculp­teur exposa à un des derniers salons de Art et Folklore de remarquables silhouettes de personnages en épais fils métalliques savamment ployés et délicatement soudés au fer par l'homme étonnant qu'il res­tera.

Membre du Consistoire des Jeux Floraux de la Guadeloupe, il avait fait en 1961 un discours en créole qui restera certaine­ment comme un des joyaux de ce que Emile Isaac disait ne pas être une langue mais un langage, voulant ainsi lui faire reconnaître une vocation à créer et à entretenir des contacts fra­ternels entre les hommes.

Qu'il me soit permis à la fin de ce trop modeste hommage ren­du à Emile Isaac d'exprimer personnellement un regret, c'est celui de n'avoir pu lui mon­trer dans mon oeuvre consacré aux Poètes de la Guadeloupe auquel il m'avait fait l'honneur de s'intéresser, les pages que je lui avais réservées. Il y est dit en particulier, de ses pièces : « Maintes fois portées à la scène, elles y ont obtenu chaque fois un égal succès faisant de lui l'auteur dramatique le plus représentatif de la Guadelou­pe ». Devant sa tombe je lui fais l'hommage de cette apprécia­tion que, j'en suis certain, l'avenir justifiera.

Et, en une période de désarroi et de haine dont le personnage d'Emile Isaac, dit en un alexan­drin en forme de maxime signé du grand théâtre classique : «Le monde n'est petit que par ses préjugés », je laisse encore a ce personnage le soin d'expri­mer à travers ses paroles, mieux que par un long discours, « le plus noble rêve » du grand poète que fut Emile Isaac : A Catherine d'Albret qui lui pose la question : « après tout quel est-il? » Jean-Pierre répond :

 

« Un rêve qu'on peut faire ici mieux qu'en exil,

Un rêve pour lequel tout coeur bien né s'enflamme

Et qui de ton moulin pourrait bien changer l'âme,

Un grand rêve d'amour, plus grand que ne serait

Celui que, coeur à coeur, en cachette, on ferait,

Qui veut que dans la faim un seul pain se partage

Et que dans la misère on s'aime davantage

Rêve qui, fait à deux, ne fait qu'une unité

Superbe, qu'on appelle alors : Fraternité. »

 

Rêve de Poète, certes,

Utopie sans doute, mais qui exprime avec force quel humaniste généreux fut Emile Isaac.

 

Edmond DUPLAND

 

 

 

 

En souvenir d'un noble poète Guadeloupéen : Emile Isaac.
En souvenir d'un noble poète Guadeloupéen : Emile Isaac.
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D
un grand merci pour cet article
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