Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

Thalys : il faut nous poser la question du courage, par Thomas Poirier.

Thalys : il faut nous poser la question du courage, par Thomas Poirier.

Ce matin, le psychologue guadeloupéen Errol Nuissier, a eu l'excellente idée de publier sur son compte facebook cet article sur l'attentat, en partie manqué, perpétré dans un train en France.

J'ai trouvé cet article positif, propre à faire réfléchir. Je le publie donc ci-dessous, à mon tour, accompagné du commentaire que j'ai cru, sur facebook, pouvoir  lui adjoindre.


 

LS.

____________________________________________________________________

 

Publié le 23/08/2015 à 10h25

Au lendemain de l’épisode du Thalys, nous sommes nombreux à nous poser la même question : « Qu’aurais-je fait dans cette situation ? » C’est probablement une question qui surgit de façon très saine et très naturelle. Mais c’est aussi une question qui se révèle vide de sens car personne ne peut y apporter de réponse. La seule réponse possible c’est :

« Je n’en sais rien, je n’en saurai jamais rien – et vous non plus. »

Les militaires US vs les agents du Thalys

Il y a en revanche un problème pratique – voire politique – qui me semble, lui, avoir beaucoup plus d’intérêt et qui se formule ainsi : « Que devrions-nous décider, collectivement, qu’il faille faire lorsqu’on se trouve dans cette situation ? »

Si nous ne pouvons pas savoir ce que nous aurions fait, nous pourrions au moins essayer de nous mettre d’accord sur ce que nous devrions faire.

La police examine le train dans lequel s’est déroulé l’attentat, le 21 août 2015 à Arras (PHILIPPE HUGUEN/AFP)

 

Or à lire nombre de réactions sur les réseaux sociaux, on a le sentiment que cette question-là n’est pas du tout résolue. Les héros américains y sont présentés comme des êtres extraordinaires tandis que les pleutres agents de Thalys enfermés dans leur local (si l’on en croit le témoignage du comédien Anglade) auraient fait preuve d’un comportement « très humain », autrement dit tout à fait excusable. La norme serait de se planquer et l’exception, de s’exposer.

Déjà prêts à mourir pour les autres

Est-ce si évident ? Il n’est pourtant pas si lointain le temps où refuser de risquer sa vie pour sa patrie était passible de la peine de mort. Loin de moi l’idée de suggérer d’en revenir à ces extrémités mais j’ai beaucoup de mal à croire qu’on devrait en rester là où nous en sommes sur le plan du devoir.

Le courage n’est probablement pas une disposition innée. Et ce n’est probablement pas non plus – ou au moins pas seulement – un trait de caractère individuel. Ceux qui sont prêts à mourir pour la communauté s’y sont préparés. C’est une question qu’ils ont résolue. 

A notre tour, nous ne pouvons pas prétendre nous donner une chance, un jour, d’agir individuellement avec courage, si nous ne commençons pas, collectivement, par nous poser la question du courage : que devrions-nous considérer comme normal ? Que devrions-nous considérer comme anormal ?

Quelle est la valeur de nos vies ?

« Sans le courage », écrit joliment Cynthia Fleury, « le peuple reste sans lieu ». S’il est vrai que nous sommes entrés en guerre et que cette guerre s’étend désormais sur notre sol, alors nous ne pourrons plus reculer : nous aurons à prendre, à notre tour, à l’instar des générations qui nous ont précédés, une décision collective, nationale. Une décision qui portera, en quelque sorte, sur la valeur de nos vies. 

Nos vies sont-elles devenues, en quelques décennies seulement, si irréductiblement précieuses, si parfaitement indispensables, que cela justifierait qu’avant toute autre chose nous devrions d’abord penser à les mettre à l’abri ? Serions-nous, nous Français d’aujourd’hui, les premières générations de notre histoire à considérer l’idée de sacrifice de soi comme absurde ? 

Je crois pour ma part avoir toujours vécu dans cette idée et peut-être même en avoir retiré une certaine fierté (« Nous ne sommes plus aussi bêtes que nos aïeux, désormais nous savons apprécier la vie humaine à son juste prix »). C’était sans doute une erreur. L’idée qu’on puisse, un jour, avoir à se sacrifier n’a rien d’irrationnel ou de suranné. Ce n’est pas tant une affaire de foi ou d’honneur. C’est une protection collective contre ceux qui nous agressent, quels qu’ils soient : terroristes, illuminés ou psychopathes de tous ordres.

Pour notre survie collective

C’est faire le calcul qu’il existe pour tous ceux-là un argument plus dissuasif que la certitude qu’ils seront attrapés après leur crime (un futur martyr n’a évidemment que faire de ces menaces) : la probabilité d’être neutralisé par leurs victimes désignées avant même de pouvoir le commettre. 

C’est estimer plus fondamentalement que si le soldat de Dieu, pour ne parler que de lui, s’accommodera toujours très bien de notre fatalisme (« on ne peut pas vouloir tout protéger ») et de nos lâchetés (« je ne suis pas formé pour ça, chacun son boulot ») – parce que d’une certaine manière, elles justifient qu’il nous considère déjà comme des corps morts –, il aura en revanche bien plus de mal avec notre détermination commune à faire avorter ses projets quoi qu’il paraisse nous en coûter.

Notre sens du sacrifice « individuel » – qui n’est individuel qu’en première intention, car rares sont les situations où nous ne sommes pas beaucoup plus nombreux que nos agresseurs – couplé à un minimum de savoir-faire apparaît, alors, in fine, comme la plus efficace garantie de notre survie collective.

Thomas Poirier.

 

Commentaire :

 

  • Edouard Boulogne Cet article est intéressant et pose de bonnes questions. Le courage est une grande vertu, mais elle n'est pas la première dans l'ordre des valeurs. Elle reste subordonnée à la raison et à la vertu de clairvoyance. Qu'est-ce qui vaut qu'on lui sacrifie sa vie, question qui n'est évidemment pas négligeable. Depuis trop longtemps, en France ( et en Europe. Conséquence des massacres insensées des deux dernières guerres mondiales ? ) on a semblé considérer la courage et le sacrifice de soi comme des illusions au service de profiteurs. Or des profiteurs il y en a toujours eu, et il y en aura toujours. Cela ne justifie pas pour autant le nihilisme qui a remplacé la foi ( toute foi ). L'auteur de l'article notamment écrit justement : "Le courage n’est probablement pas une disposition innée. Et ce n’est probablement pas non plus – ou au moins pas seulement – un trait de caractère individuel. Ceux qui sont prêts à mourir pour la communauté s’y sont préparés. C’est une question qu’ils ont résolue". Je ne voudrais pas être trop long, et ajouter un deuxième article au premier qui est excellent. Mais je voudrais rappeler ces scènes de la vie sauvage où l'on voit un fauve s'attaquer à tout un troupeau, et celui-ci de détaler, alors qu'il eut pu faire front, peut-être efficacement. Mais alors le fauve s'en prend pour les dévorer aux plus chétifs des fuyards, aux boiteux, handicapés, et les dévore. Peut-être sommes-nous animaux, mais de cette espèce particulière qui pense ( peut penser ), et qui se réfèrent à des valeurs. Il y a des années, on posa aux candidats au baccalauréat une question sur cette "pensée" : " malheur au pays qui a besoin de héros"? Peut-être faut-il des drames pour rappeler chacun à son humanité, et aussi que "qui veut faire l'ange fait la bête"!

J’aime · Répondre · 2 · 2 h

Errol Nuissier Bonjour Edouard, merci infiniment pour ce complément d'analyse.

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article