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29 Mai 2015
Dany Laferrière a été reçu hier à l'Académie Française. Plutôt que de vous proposer son discours de réception, qui par delà sa qualité reconnue, comporte une sorte de conformité ( certes heureuse ) à des règles, à des usages un peu compassés, j'ai préféré vous offrir une conférence du nouvel « immortel » donnée, il y a quelques années, au Canada, dont il partage la citoyenneté avec cette autre part de lui-même : son enfance, et sa jeunesse dans l'île natale Haïti.
Ce qui m'a plu dans cette conférence, - causerie serait un terme plus adéquat - c'est sa simplicité, qui n'exclut pas la profondeur.
Laferrière n'a pas avalé un parapluie. Je veux dire qu'il ne confond pas la respectabilité, avec son apparence caricaturale, comme tant d'autres.
Je n'entrerai pas dans le détail de son discours, puisque vous allez l'entendre.
Je souligne seulement deux passages particulièrement intéressants.
Dans le premier il déclare qu'en Haïti, il faut distinguer d'une part les idéologues, ceux qui veulent changer le monde, et qui ne connaissent rien à la vie concrète et pratique, et d'autre part ceux qui, travaillent dans le concret, permettant à l'île de survivre; en grande majorité des femmes, et il prend l'exemple de sa mère.
L'espace d'un moment, furtif, j'ai pensé à ce propos, récent, d'un philosophe guadeloupéen, parlant des indépendantistes de chez nous, généralement nantis, qui « vont faire leurs courses à Dubaï ». formule que j'ai trouvée particulièrement heureuse et qui en dit plus long que de gros traités de sociologie.
Le deuxième moment fort ( parmi beaucoup d'autres ) est celui où il insiste sur l'importance du travail, de l'acharnement humble de l'écrivain pour atteindre l'idéal littéraire qui donne sens à sa vie.
J'ai alors pensé à un écrivain français qui dit la même chose, ou à peu près, dans sa Défense et illustration de la langue française : « Qu'on ne m'allègue point que les poètes naissent... Qui veut voler par les mains et bouches des hommes doit longuement demeurer en sa chambre ; et qui désire vivre en la mémoire de la postérité, doit, comme mort en soi-même, suer et trembler mainte fois, et, autant que nos poètes courtisans boivent, mangent et dorment à leur aise, endurer de faim, de soif et de longues vigiles (= veilles). Ce sont les ailes dont les écrits des hommes volent au ciel. »
Ce poète, Joachim Du Bellay, ne fut pas de l'Académie française, car c'était un homme du XVIème siècle, alors que l'Académie fut instituée au XVIIème par le grand cardinal de Richelieu.
Mais ces deux écrivains sont de même race.
Le Scrutateur.