11 Mai 2015
Notre époque est extrêmement difficile pour qui veut s'orienter de façon sûre dans le maquis « d'informations » qui nous sont dispensées dans la presse écrite, et par l'intermédiaire des multiples canaux de l'audiovisuel.
Il est un poncif fort répandu dans notre monde autosatisfait, mais qu'il faut pulvériser, celui selon lequel jamais le public n'a été mieux informé que de nos jours. Il est vrai que tout est plus rapide, que par la télévision, les tablettes, les téléphones portables, etc, nous savons presqu'en direct ce qui se passe aux antipodes. Je me souviens de l'évènement du 11 septembre 2001. J'étais au travail dans mon lycée. A 11h30, libéré de mes obligations de ce matin là, je passai « une minute » au bureau de la Conseillère d'Education qui était une amie. Elle m'apprit la percussion, « à l'instant » d'une des deux tours jumelles de Manhattan à New York. Je me précipitai chez moi, allumai la TV. Le spectacle, que chacun, a vu était impressionnant. J'assistai, avec un léger différé à la percussion de la deuxième des tours.
Il en est ainsi pour tout. Alors que la mise à mort du roi Louis XVI, le 21 janvier 1793, un événement considérable à l'époque, ne fut connu en France même que des semaines après qu'il ait eu lieu.
De là le mythe évoqué plus haut. Mais l'important dans l'information ne réside pas dans sa « photographie » des évènements ( et d'ailleurs, qu'est-ce qu'un événement? ). Le « fait » qui nous est livré est déjà le fruit d'une prise de vue, d'une interprétation, d'une sélection d'images par un « témoin » qui, même quand il est honnête ne fait qu'interpréter. Ce que nous voyons, écoutons, lisons, est ce qui a été déjà transformé par le « témoin » qui est toujours un interprète, sans nécessairement le savoir.
Demandez à un ami, dont l'intelligence et la culture sont convenables, et même au-dessus de la moyenne, dont vous savez la bonne foi, et l'honnêteté, la bonne mémoire aussi, de transmettre de vive voix à un autre ami, une information importante, et vous serez surpris de ce qu'il aura transmis, parfois si différent, voire contraire à ce que vous aviez voulu transmettre, et de bonne foi.
Or le journal télévisé, un reportage sur la question du racisme par exemple, dans tel pays, est toujours, par delà ses intentions les plus pures ( les pures intentions, cela existe, même dans le journalisme, quoique rare ), une certaine vision, très personnelle du sujet, tel qu'il le voit.
En définitive la somme des journaux télévisés, et de toutes les « informations » est un joyeux ( souvent sinistre, en fait ) mélange des vues les plus opposées, qui sont transmises à des millions d'auditeurs/téléspectateurs qui à leur tour, plus ou moins distraits ( et honnêtes ), sélectionnent, trient, interprètent selon leurs valeurs, croyances, «intérêts ». Bref, une sorte de foire aux illusions, que les moins intelligents, et cultivés, prennent pour la vérité qui « comme chacun sait n'a jamais été mieux servie que de nos jours par la performativité des médias modernes, et la qualité des informateurs, formés comme chacun sait dans les meilleures écoles de journalisme au service des valeurs républicaines ( sic ! ) etc, etc, etc !!!».
Nous sommes bien obligés de « faire avec », comme on dit, sauf à nous retirer dans quelque ermitage.
Et « faire avec » c'est apprendre à « lire l'actualité » pour tenter à défaut de savoir ce qui est VRAI, de déchiffrer les messages, de tenter de repérer les erreurs, et surtout les mensonges, au moyen de quelques principes de pensée et d'action.
Je m'y efforce pour mon compte, armée de ma formation philosophique, de la réflexion sur, par exemple, les théories de l'information, les ouvrages sérieux, et surtout honnêtes sur le rôle de la désinformation volontaire, et de la subversion, politique, culturelle, économique, etc.
Et je m'efforce sur Le Scrutateur, de faire partager à ceux qui me font l'honneur de me lire, les résultats de mes recherches et observations.
Appliquons les au sujet du contenu de l'article que je suis en train d'introduire, qui porte sur le racisme et l'antiracisme.
C'est le « dada » du gouvernement actuel de la France. Hier encore, à l'inauguration du Mémorial Act.e, M. François Hollande, et M. Lurel se sont fait les champions de l'antiracisme plus nécessaire en France que jamais, parait-il.
Analysons leur affirmation. Il y a d'abord les sons articulés ( plus ou moins bien ). Les oreilles des auditeurs ont perçu ces sonorités plus ou moins bien, mais sur un plan qualitatif. Les magnétophones qui ont enregistré et qui les font réentendre ne savent rien de ce qu'ils ont fait, et de ce qu'ils répercutent, puisqu'ils ne sont que des machines.
Les deux orateurs ont cependant voulu dire quelque chose. Ils sont des politiciens, ils visent un résultat. La « réalité » dont ils parlent, est-elle ce qu'ils ont dit, ou ce qu'ils ont voulu faire croire qu'elle était? Sans leur faire de procès d'intention; il est permis de penser, que la précédente question est légitime, et de bonne méthode, non encore pour savoir ce qu'il « en est » du racisme en France, mais si ce qui nous en est dit est crédible ou pas.
Maintenant les deux orateurs se sont adressés à un public, divers ( quoique, sélectionné ! ). Ce public, divers, écoute les mots, les phrases, aux sonorités identiques pour tous. Mais l'impact sur chacun n'est pas le même. Il n'est pas certain qu'un socialiste ait « perçu » la même chose qu'un homme de droite; qu'un noir ait compris la même chose qu'un blanc; qu'un jeune ait perçu la montée ( prétendue ) du « racisme » de la même façon qu'une personne plus mure, et meilleure connaisseuse du marigot politique que le loupiot qui ne connait la politique que par la lecture de Mediapart.
Le projet d'un homme politique, cela vaut pour toutes les époques est de subjuguer ( faire passer sous le joug de sa volonté de puissance ) le plus grand nombre de personnes, non point par la force des baïonnettes, mais par le conditionnement psychologique et culturel, par le moyen des médias, et le contrôle de l'éducation. L'idéal pour Big Brother, c'est ce qu'un sociologue américain, il y a déjà une bonne trentaine d'années avait appelé « la persuasion clandestine ».
Je ne demande pas à être cru naïvement, mais j'avance cette remarque : l'idéologie de gauche en France, bien que battue en brèche depuis quelques années par des revues, journaux, sites informatiques ( comme Le Scrutateur ), travaille activement à sa mainmise sur les âmes pour mieux les asservir. Elle se sert éhontément d'idées morales justes ( le respect de la personne humain, par exemple, etc ) mais en les vidant de leur substance. Et puis, sur les esprits asservis, gorgés de beaux principes vidés de leur substance et manipulé sans scrupule, elle règne totalitairement comme le firent jadis le nazisme ou le communisme, avec autant de perversité que ces derniers. Les soumis ( persuadés d'être des militants actifs du Beau, du Bien, du Juste ) se ruent dans leur servitude, et accablent en toute bonne conscience ceux-là même qui sont les vrais rebelles.
Je donne deux exemples, récents, et empruntés à la vie médiatique guadeloupéenne.
Il y a trois jours je publiais l'article suivant de Philippe Bilger ( lien ) critiquant la politique pénale de Christiane Taubira. La critique est rigoureuse. Elle récuse les critiques basses dirigées contre Taubira, celle où on la compare à une guenon, par exemple. Mais il lui refuse le droit d'attribuer les critiques, à un sentiment raciste quelconque. ( http://www.lescrutateur.com/2015/05/philippe-bilger-remonte-les-bretelles-a-christiane-taubira.html#ob ).
J'avais procédé à une coute présentation de l'article de M. Bilger, et l'avais assortie de quelques photos de cette chère Christiane. L'une où elle prend la pose sur le perron de l'Elysée ( mais, revoir cela grâce au lien ci-dessus ) comme une star du Cinéma sur le grand escalier du Festival de Cannes. Je parle de cette « poseuse » de C. Taubira. Une autre photo la montre de profil, avec en surimpression une de ses déclarations d'il y a quelques années, sur la Guyane en passe d'abriter sur son territoire, plus d'immigrés que de Guyanais ». Mon intention est de suggérer, non sans raisons, que le même propos où le mot Guyane aurait été remplacé par celui de France, et l'auteur un certain Jean-Marie L P aurait soulevé un ouragan de protestations haineuses.
Or sur Facebook deux personnes que je connais, pour qui j'ai même une certaine estime me répondent, très brièvement, mais sans ambiguité :
La première, c'est une femme ( de l'âge du scrutateur ) écrit en commentaire : « c'est de la haine cela. ». Autrement dit, taisez vous raciste de Bilger, ( à moins que le choix des photos me range dans la catégorie des hitlériens convaincus. Cette dame, que je crois sincère, est « noire ». Ce n'est évidemment pas une tare. Mais ne serait-ce pas un filtre. Etant entendue que ce filtre existe aussi pour les blancs, les jaunes et les métis.
Le deuxième est de la même veine : « je ne suis pas d'accord avec M. Bilger ».
Or, je connais l'auteur de cette brève remarque. C'est un homme honnête. Il ne serait pas partisan d'un laxisme face à la délinquance. Mais lui aussi a peut-être un filtre. Je le lui ai dit en termes mesurés, et courtois, car il mérite cette courtoisie. Il a convenu qu'il ne fallait pas déplacer les questions ( supposer un racisme, - bcar Taubira est une femme de couleur, - mais de la critique, justifiée ou non d'une politique, ce qui est ( encore ) un droit en France.
Mais...le thème du « racisme » tel qu'il est entretenu par une certaine intelligentsia décadente et socialiste, paralyse le bon sens. La « persuasion clandestine est en marche.
Je vous souhaite une bonne et attentive lecture de l'article qui suit.
Le Scrutateur.
Antiracisme contre les libertés.
L’enfer est pavé de bonnes intentions. Le gouvernement Hollande sort une nouvelle fois l’artillerie pénale dans ce qui semble être devenu sa priorité expresse : la lutte contre le racisme, plus particulièrement l’antisémitisme. Si l’intention est évidemment louable, la méthode utilisée met sérieusement à mal les libertés publiques. Cet activisme sur le front des valeurs républicaines, qui tranche singulièrement avec une passivité manifeste sur la question de la défense des travailleurs, est lourd de conséquences. Le plan de l’exécutif qui prévoit notamment de sortir les injures racistes et antisémites du droit de la presse, relativement protecteur, pour en faire un délit à part entière a suscité l’inquiétude des associations de défense des droits de l’Homme. Il sera désormais possible d’envoyer quelqu’un en prison, éventuellement en procédure accélérée, pour des propos jugés racistes. Le procédé est identique à celui employé dans la lutte contre le terrorisme : criminaliser les paroles ou les idées jugées incompatibles avec les valeurs de la République. Avec un risque similaire : créer purement et simplement un délit d’opinion.
En panne de légitimité « socialiste » au moment du passage en force de la loi Macron, sans doute la réforme la plus libérale votée sous la 5ème République, la Garde des Sceaux annonçait un énième projet de loi contre le racisme et l’antisémitisme. La mécanique est désormais bien rodée : surfer sur l’émotion collective provoquée par un événement dramatique pour faire passer une nouvelle loi liberticide. La dernière en date n’a pas fait exception. La profanation d’un cimetière juif de Sarre-Union par cinq mineurs qui ont saccagé 250 tombes ainsi que les agissements de certains supporters de Chelsea qui ont empêché un homme noirde monter dans le métro ont servi de prétexte à un énième durcissement pénal. Annoncé à Créteil, lieu hautement symbolique, le nouveau projet de loi de l’exécutif fait des actes racistes et antisémites des circonstances aggravantes dans de multiples infractions. Il crée en outre une plateforme dédiée aux personnes victimes de ces actes et donne la possibilité à celles-ci de se regrouper et d’agir ensemble.
La lutte contre le racisme et l’antisémitisme, décrétée par François Hollande « grande cause nationale » après les attentats du mois de janvier, faisait déjà l’objet d’une priorité expresse : par sa circulaire du 12 janvier 2015, Christiane Taubira avait demandé aux procureurs de la République de « faire preuve d’une extrême réactivité dans la conduite de l’action publique envers les auteurs d’infractions racistes ou antisémites » en insistant pour qu’une réponse pénale « systématique, adaptée et individualisée » soit apportée à chacun de ces actes. En clair : tolérance zéro pour ce type d’infraction, attitude qui contraste singulièrement avec le traitement réservé à la délinquance classique, un champ largement délaissé par le gouvernement.
Le nouveau plan de l’exécutif consacré à la lutte contre le racisme est doté d’une enveloppe de 100 millions d’euros sur 3 ans, ce qui peut surprendre en ces temps de disette budgétaire. Mais le volet préventif est ambitieux : « communication offensive » pour inculquer dès le plus jeune âge les valeurs de tolérance avec une batterie de mesures pédagogiques dans les écoles et des campagnes d’affichage, mise en place d’une instance opérationnelle de lutte contre le racisme et l’antisémitisme dans chaque département, création d’une « unité nationale de lutte contre la haine » sur Internet, aide accrue aux victimes et renforcement de la sécurité des lieux de culte, des écoles et des points de rassemblements juifs.
Si l’intention de lutter contre le racisme est louable, on peut s’interroger sur sa finalité. Et sur cette question, les dérives de la lutte antidjihadiste sont riches d’enseignement : pour simplement avoir refusé la minute de silence après les attentats de Charlie Hebdo ou avoir posté un message provocateur sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes – parfois des collégiens – ont été inculpées d’ »apologie du terrorisme », innovation juridique de la loi Cazeneuve votée en novembre dernier, passible de 7 années d’emprisonnement et 100.000 euros d’amende. Ces excès ont suscité l’inquiétude des associations de défense des droits de l’Homme. Et pour cause : nul futur terroriste derrière les barreaux mais de simples citoyens déclarés coupables d’avoir déserté la mobilisation générale pour la « guerre contre le terrorisme ». De façon similaire, on peut craindre que l’accusation d’antisémitisme ne serve à criminaliser l’opposition à la politique israélienne ou à la soumission de la France au lobby pro-israélien, surtout quand on entend Manuel Valls décréter que la « haine du juif » se nourrit de l’antisionisme. Dominique Reynié, politologue assermenté au micro de France-Inter identifiait même le Front de Gauche à un « foyer d’expression de l’antisémitisme ». Les électeurs de Marine Le Pen et les Français musulmans, victimes de la politique mondialiste du gouvernement socialiste, étaient pour l’occasion mis dans le même sac. Et sans surprise, la réponse consistant une fois de plus à museler Internet, en particulier les réseaux sociaux et les plateformes de partage de vidéos où « se retrouvent ces publics-là ».
Touche pas à mon pote ou l’éternel retour de la question sociétale en lieu et place de la question sociale. L’antiracisme est devenu le seul marqueur de gauche d’une politique totalement acquise au libéralisme économique et dont les effets collatéraux sont redoutables : durcissement des clivages intercommunautaires, stigmatisation des Français dits « de souche ». et réduction de la liberté d’expression publique. La lutte légitime contre l’antisémitisme est parfois le masque d’une défense du sionisme. Dénoncer la main-mise de la finance internationale sur l’économie française, contester le pouvoir des banques, ou encore défendre la cause des peuples opprimés par l’impérialisme sioniste ou étasunien vaut excommunication. Le vrai antisémitisme est très minoritaire en France comme le montrent les études d’opinion mais il pourrait bien se développer à la faveur de ces campagnes à répétition qui visent à criminaliser indirectement l’expression d’opinions ou d’analyse contestataires de l’ordre dominant. Elles finiront à force de durcissements par ne laisser au citoyen que deux options : se soumettre ou devenir un délinquant d’opinion.
Nicolas Bourgoin | 18 avril 2015
Voir également : un entretien à propos de « La République contre les libertés » .
Nicolas Bourgoin, né à Paris, est démographe, docteur de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales et enseignant-chercheur. Il est l’auteur de quatre ouvrages : La révolution sécuritaire (1976-2012) aux Éditions Champ Social (2013), La République contre les libertés. Le virage autoritaire de la gauche libérale (Paris, L’Harmattan, 2015), Le suicide en prison (Paris, L’Harmattan, 1994) et Les chiffres du crime. Statistiques criminelles et contrôle social (Paris, L’Harmattan, 2008)