20 Avril 2015
J'apprends par un appel téléphonique, cet après-midi, vers 16h45, la mort de mon collègue Laurent Farrugia, qui fut professeur durant presque toute sa carrière au lycée Gerville-Réache de Basse Terre.
La nouvelle va émouvoir beaucoup de monde, ses nombreux anciens élèves, évidemment, et bien d'autres personnes et personnalités, par delà les divergences avec un homme qui fut passionnément engagé, et les positions politiques parfois durement contestées.
Contestées, mais pas toujours par les mêmes. Approuvées, mais, également, pas toujours par les mêmes.
Car Laurent, homme de gauche, longtemps proche du parti communiste, était aussi capable de virevoltes engendrées non par opportunisme, comme chez tant et tant, mais par une sincérité évidente pour tous ceux qui l'ont un peu connu, par un goût de cette vérité si difficile à discerner dans le maquis des idées, des intérêts et des passions de la vie publique.
Ce tempérament effervescent, l'a parfois conduit à des approximations, dirai-je, par euphémisme.
Il en convenait, parfois dans l'intimité. Et je me souviens d'une conversation privée avec ce collègue, lors d'une session déjà ancienne du baccalauréat, où un peu perfidement, je lui suggérai que si le parti communiste avait pris le pouvoir il aurait vite été parmi les premiers épurés. Il me répondit par ce curieux sourire en biais, à la fois ironique et amical, que je ne pris pas pour un démenti.
C'était un homme curieux de tout. De sa chère philosophie, mais aussi des arts, telle la peinture qu'il pratiqua non sans talent.
Homme d'une sensibilité extrême, il s'enflammait peut-être trop vite pour des causes sensées relever de la justice, mais qui se révélaient bientôt tout autre qu'il n'avait cru. Dans ce cas même on passait l'éponge. Qui n'a jamais cherché ne s'est évidemment jamais exposé à l'erreur, parfois.
Pour cette flamme, il lui sera de toute façon beaucoup pardonné. Je l'ai vu aussi, il y a une vingtaine d'années, très profondément atteint par la mort survenue à Paris d'un de ses fils. Les yeux embués de larmes, la voix d'ordinaire ferme et volontiers ironique, était ce soir là étouffée, noyée dans un chagrin profond.
J'ai eu avec lui, disais-je des relations d'ordre professionnel. Mais nous nous rencontrâmes, et parfois affrontâmes sur Télé Eclair en diverses occasions, et sur divers sujets.
Parmi ces émissions télévisées, celle dont j'ai gardé le meilleur souvenir fut un échange sur la philosophie, sa méthode, son esprit, son enseignement. Pas d'affrontement ce soir là mais un partage d'expérience et de foi ( philosophique ). Nous étions trois, lui, le plus âgé, votre serviteur, et un plus jeune Cyril Serva, lui aussi disparu, trop prématurément.
Je m'aperçois, écrivant, que l'ombre des arbres se fait plus longue, signe du soir qui tombe. Il fut devenu sérieux s'il avait pu me lire par dessus l'épaule. La mort est un événement grave, l'heure où la vie se transforme en destin.
« Au jour où tremblent les gardiens
Où le dos des hommes se courbe,
Quand les femmes cessent de moudre
Aux fenêtres le jour s'éteint.
(….......)
Et que soient rendus, à la terre
Dont elle provient, ta poussière,
A Dieu l'esprit qu'il a produit ».
Edouard Boulogne.