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Le Scrutateur.

Blog destiné à commenter l'actualité, politique, économique, culturelle, sportive, etc, dans un esprit de critique philosophique, d'esprit chrétien et français.La collaboration des lecteurs est souhaitée, de même que la courtoisie, et l'esprit de tolérance.

To be or not to be “Charlie”, par Marcel de Guérande

Sous les paillettes du romantisme, la réalité existe, et n’a rien à voir avec la téléréalité1 dont chacun sait qu’elle n’est que gesticulations de pauvres hères dont le désœuvrement est une marchandise en soi.

 

 

En regardant la réalité en face, voici ce qu'est Charlie et ses bons sentiments, tels que l’illustration en a été imprimée par Charlie Hebdo lui-même sur une couverture où l’on peut lire : « Chiez dans les crèches, achevez les handicapés, fusillez les militaires, étranglez les curés, écrabouillez les flics, incendiez les banques… ». C’est ça, Charlie ! Non seulement il paraît que c’est très drôle, mais c’est ce que les socialos voudraient imposer comme modèle à la France. Ils sont d’ailleurs sur le point d’y arriver.

 

Charlie, pour entrer dans le vif du sujet, c'est – en peu de mots – la fange et c’est surtout l'apologie de la fange avec la dérision pour porte-voix.

 

On – les maîtres de la parole – voudrait que nous fussions tous Charlie ?

 

On rêve ! Il est vrai, cependant, que nous sommes tous Charlie en ce que nous sommes tous pêcheurs. En gros, je suis Charlie parce que rien de ce qui est Charlie ne m'est étranger. Est-ce à dire qu’il y ait là matière à en tirer quelque fierté?

 

Nous sommes nombreux à penser que non. Au moins ne sommes-nous pas – du moins nous l’espérons – de l’engeance des Charlie klaxonnant : je me sais pêcheur, et c'est la raison pour laquelle c'est dans l'intimité de ma conscience que je me sens le plus Charlie.

 

En même temps, et paradoxalement, c'est dans le confessionnal que je devrais être le moins Charlie, car c’est l’endroit où je m'en repens, en récitant même mon acte de contrition et en prenant la ferme résolution d'essayer  – d’essayer! – de l'être à l’avenir le moins possible. À ce moment-là, je suis certes un Charlie mais avant tout un Charlie contrit.

 

 

1. C’est sans doute Patrick Le Lay qui a le mieux exposé le principe de la téléréalité en déclarant ceci : « Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective 'business', soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c'est d'aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit. […] Or pour qu'un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c'est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible. […]  Rien n'est plus difficile que d'obtenir cette disponibilité. C'est là que se trouve le changement permanent. Il faut chercher en permanence les programmes qui marchent, suivre les modes, surfer sur les tendances, dans un contexte où l'information s'accélère, se multiplie et se banalise…

[…] La télévision, c'est une activité sans mémoire. Si l'on compare cette industrie à celle de l'automobile, par exemple, pour un constructeur d'autos, le processus de création est bien plus lent ; et si son véhicule est un succès il aura au moins le loisir de le savourer. Nous, nous n'en aurons même pas le temps ! […] Tout se joue chaque jour sur les chiffres d'audience. Nous sommes le seul produit au monde où l'on ”connaît” ses clients à la seconde, après un délai de vingt-quatre heures. »

 

 

Je ne chercherai pas à les montrer du doigt d’autres Charlie, car la paille qui est dans l'œil du voisin attire plus mon attention que la poutre qui est dans mon propre œil, je ne le sais que trop. J'admets toutefois qu'il y a au moins quatre sortes de Charlie. Attention! je ne balance pas, j’expose, faut pas confondre.

 

1. En premier il y a les Charlie klaxonnant. Loin de s'affranchir du péché originel, ils en font un titre de gloire, répandant leur parole en se croyant drôle, non seulement sans l'être tout le temps mais surtout sans l'être autrement que forcément c'est-à-dire par la force qu’est cette sorte de coercition de la dérision qui émane des méchants – et de ceux qui menacent.

 

Autrement dit, les Charlie klaxonnant ne sont pas forcément drôles, même s’il leur arrive de l’être.

 

Apôtres de l'inversion, ils poursuivent de leur haine particulièrement Ku klux klaxonnante ceux qui ne leur ressemblent pas et, d’une manière plus précise, tous ceux qui n’obtempèrent pas à leur interdiction d’interdire.

 

2. Ensuite, viennent les Charlie malgré eux. Ni anges ni bêtes, et même tantôt l'un tantôt l'autre, ce sont des hommes tout simplement – et des femmes aussi, cela va de soi, quoique, aujourd'hui, il soit mal venu de défendre la langue française où le masculin l’emporte théoriquement sur le féminin dans l’emploi du pluriel. Les revendications féministes sont là pour nous mettre au pas, c’est-à-dire au surtout pas, ces revendications féministes étant elles-mêmes balayées par les assauts de la théorie du genre, théorie qui émane des mêmes officines (le diable adore qu'une de ses légions en décime une autre, on l'a vu quand la Terreur dévora presque tous ses enfants, même les plus avides de chair et de sang, qui sous couvert d'être les plus purs trouvèrent encore plus purs qui les épurèrent à leur tour).

 

Les Charlie malgré eux sont des gens comme vous et moi. Ils sont Charlie, mais il ne le crient pas sur tous les toits – parce que cela reviendrait à scander que la pluie mouille ou que la lune est ronde – certes, d'autres lui prêtent une forme de croissant mais c’est une simple question d’éclairage – sans compter qu'il y a d'autant moins de raison de se vanter d’être Charlie que tout l'intérêt de la civilisation consiste à être le moins Charlie possible. Il paraît que c’est même là que réside  la différence entre conduite et comportement.

 

3. Il y a encore les Charlie d'occasion : ceux-là attrapent la charlite – à moins que ce soit la charlitude ou encore la charlité – comme on attrape un rhume ou une opinion. Il est vrai que la Faculté, loin de vouloir les soigner, cherche davantage à les entretenir dans leur mal qu’à les en guérir. Le charlisme, se présente alors comme une sorte de chevalerie où l’on peut s’auto-adouber dans le cadre d’une simple pandémie.

 

L’affection est assez bénigne dans la mesure où, chez les Charlie d’occasion, un Charlie chasse l’autre. Elle n’en fait pas moins ressortir la fragilité des tempéraments et l’agressivité des humeurs, mais l’humanité est une vieille espèce qui en a vu d’autres disent les positivistes.

 

L’école vétérinaire de Château-Thierry considère que les Charlie d’occasion ne savent pas tout à fait ce qu’ils font. D’après elle, c’est tout simplement parce qu’ils ne savent pas qui ils sont. Pour ceux-ci, toute proposition d’être Charlie est une aubaine. Une chance d’exister enfin !

 

De son côté, la Faculté, entièrement dévouée au bien commun, voit d’un très bon œil la multiplication des Charlie –  même d’occasion – car elle rejette toute forme de discrimination. Et si la Faculté rejette toute forme de discrimination, il ne faut pas perdre de vue que c’est au nom de la liberté, de l’égalité et de la fraternité dont la multiplication des Charlie a été, dimanche 11 janvier 2015 la plus belle, la plus grande et la plus forte démonstration qui fût faite au monde entier.

 

4. Enfin il nous faut évoquer aussi une tout autre espèce de Charlie : les Charlie Tartuffe. Les puristes les considèrent comme des Charlie de récupération, mais les puristes se trompent, car ils sont en réalité assez Charlie-locomotive et à ce titre non seulement plus Charlie que les Charlie-wagon, autrement dit les Charlie d’occasion. Les Charlies Tartuffe sont même plus Charlie que les authentiques Charlie. Comme eux, ils adorent se foutre de la gueule du monde, mais à la différence des Charlie de Charlie Hebdo,  ne pensent pas qu’à s’amuser. Croisés du vivre de mieux en mieux, ils ont, en plus du projet de faire du péché originel un cheval de bataille celui d’en faire le principal ressort du bien commun. Bon nombre de spécialistes de l’école vétérinaire de Château-Thierry savent en effet que les sept péchés capitaux sont des leviers très efficaces quand il est question de puissance temporelle, de consommation, de finance, de corruption et tout simplement du matérialisme en général, qu'il soit de nature marxiste ou capitaliste.

 

Les Charlie Tartuffe prospèrent forcément dans le sillage des Charlie klaxonnant, quand ceux-ci sont à la fois klaxonnant et triomphants...

 

Il paraît que ce sont ces Charlie-là qui sentent le plus mauvais. Une odeur d'œuf pourri. De souffre, paraît-il. Mais comme ils se parfument beaucoup, on n’identifie pas toujours leur odeur et il arrive même qu’on ne les voie pas venir. Le propre des Charlie Tartuffe, disent ceux qui se sont laissés surprendre, c’est leur sale furtivité.

 

Ce serait toutefois trop simple s’il n'y avait que quatre sortes de Charlie. Le charlisme – qui n’a rien à voir avec le charlatanisme –  a du reste été parfaitement circonscrit par Montaigne, qui l’a résumé ainsi : « Certes, c’est un sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant, que l’homme. Il est malaisé d’y fonder jugement constant et uniforme ».

 

Au terme de ce rapide survol, chacun comprendra combien il est à la fois aléatoire et difficile de pénétrer les méandres de l'essence profonde du charlisme. Comme d’autres l’ont écrit avant nous: il offre tant de facettes, tant de diversité, tant d'inconstance et de changements qu'il échappe à toute explication et encore davantage à toute définition. C’est un peu ce que Paul Valéry expliquait de son côté : « Tantôt je pense, tantôt je suis », écrivait-il. C’était sa manière d'affirmer qu’il était lui aussi un… Charlie comme ils disent. Ne le sommes-nous pas tous ?

 

Il est cependant à déplorer que, pour au moins pour une partie des charlistes d’occasion et pour la totalité des Charlie-Tartuffe, le charlisme soit avant tout une posture. Les circonstances décident de tant de choses, aujourd’hui !

 

Alors, to be or not to be... Charlie ?

 

En tout cas la question n’est pas : « Charlie es-tu là ? », car Charlie est là, et bien là. Il y a même de fortes chances que Charlie fasse de plus ne plus de petits dans les temps à venir.

 

La Faculté ne prévoit-elle pas que l’avenir du bien commun passera par le charlisme ou ne passera pas, tant le charlisme apparaît déjà comme la plus belle promesse de restauration du tissu communautaire.

 

Soyons pratiques : le communisme, c’est périmé. Le mantra à la mode en ce temps- là, c’était Staline est l’homme que nous aimons le plus, qui aujourd’hui nous paraît désormais sans objet, maintenant que le charisme du petit père des peuples s’est estompé avec le temps. Certes le communisme a fait le bonheur de générations – chez ceux qui ne vécurent pas sous sa loi –, mais la société a considérablement évolué, elle est passée à autre chose. Pour beaucoup, elle est passée de l’amour de Staline à l’amour de soi, ce que d’aucuns qualifient avec enthousiasme de progrès.

 

Ainsi, après le mariage pour tous, le charlisme est devenu une nouvelle manière de mieux vivre ensemble. De lutter contre la solitude, l’isolement et même l’aliénation grâce à une approche plus perfectionnée du communautarisme dont de méchantes langues disent qu’elle est l’expression de la dissolution de la perception identitaire chez les plus simples d'esprit mais nul ne peut dire si elles ont tort ou raison : nécessité faisant loi, il faut faire avec ce que l’on a sous la main. « C’est du reste ce que fit l’homo faber avec la première clé à molette qu’il parvint à se procurer », dit la Faculté à l’appui de ses prescriptions en nous certifiant que l’avenir du bien commun est désormais assuré grâce à Charlie. Sans nous préciser quel Charlie, du reste.

 

 

 

                                                                                     Marcel de Guérande

To be or not to be “Charlie”, par Marcel de Guérande
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