13 Décembre 2014
Connu de tout le monde ( ou presque ) Hippolyte Taine ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Hippolyte_Taine ) est l'auteur, entre autres d'une thèse, un peu oubliée aujourd'hui , De l'intelligence, mais surtout de la brillante série, et toujours lue Les origines de la France contemporaine.
MAIS...selon plusieurs membres de la rédaction du Scrutateur ( Cata Scrutatora Maxima, et Catus Scrutatorix minimus ), son plus grand mérite demeure, et demeurera sa transcription en langue française de leur ancêtre commun Hippolytus le Grand, dont il recueillit pieusement les paroles et les fit connaître au public des happy few, sous le titre prometteur de Vie et opinions philosophiques d'un chat.
C'est de ce petit chef d'oeuvre ( comme on dit affectueusement « un petit punch » ), que je détache ce trop bref passage où Hippolyte énonce sa conception de la musique et...du chant, que d'aucuns discuteront, et même refuseront d'écouter ( en se bouchant les oreilles ), tant le goût de la contradiction est profondément inscrit dans le coeur de l'homme, et tant le béotianisme l'emporte le plus souvent, dans les débats sur la place publique.
Quoiqu'il en soit, je publie ce passage sublime, et le fait suivre de deux videos, où, à défaut du chant d'Hippolyte ( mort avant l'invention du magnétophone ) l'on aura une approximation de l'art qu'il cultivait, nous dit-il avec tant de « lubricité ». ( J'ai cherché un autre terme, mais celui-ci m'a semblé le plus adéquat si j'en crois les moeurs de sa descendance ! )
LS.
La musique est un art céleste.
« La musique est un art céleste, il est certain que notre race en a le privilège; elle sort du plus profond de nos entrailles ; les hommes le savent si bien, qu'ils nous les empruntent, quand avec leurs violons ils veulent nous imiter.
Deux choses nous inspirent ces chants célestes : la vue des étoiles et l'amour. Les hommes, maladroits copistes, s'entassent ridiculement dans une salle basse, et sautillent, croyant nous égaler.
C'est sur la cime des toits, dans la splendeur des nuits, quand tout le poil frissonne, que peut s'exhaler la mélodie divine. Par jalousie ils nous maudissent et nous jettent des pierres. Qu'ils crèvent de rage ; jamais leur voix fade n'atteindra ces graves grondements, ces perçantes notes, ces folles arabesques, ces fantaisies inspirées et imprévues qui amollissent l'âme de la chatte la plus rebelle, et nous la livrent frémissante, pendant que là-haut les voluptueuses étoiles tremblent et que la lune pâlit d'amour.
Que la jeunesse est heureuse, et qu'il est dur de perdre les illusions saintes ! Et moi aussi j'ai aimé et j'ai couru sur les toits en modulant des roulements de basse. Une de mes cousines en fut touchée, et deux mois après mit au monde six petits chats blanc et rosé. J'accourus, et voulus les manger : c'était bien mon droit, puisque j'étais leur père. Qui le croirait? ma cousine, mon épouse, à qui je voulais faire sa part du festin, me sauta aux yeux. Cette brutalité m'indigna et je l'étranglai sur la place ; après quoi j'engloutis la portée tout entière. Mais les malheureux petits drôles n'étaient bons à rien, pas même à nourrir leur père : leur chair flasque me pesa trois jours sur l'estomac. Dégoûté des grandes passions, je renonçai à la musique, et m'en retournai à la cuisine ».
( I ) En duo, entre chatons. : https://www.youtube.com/watch?v=YF4qiRjoqXs
( II ) IDEM ( à voir ) : https://www.youtube.com/watch?v=1DinASQRRFA
( III ) Et pour les amateurs fanatiques, le duo entre grandes cantatrices, et notamment Nathalie Dessay, dont nous avons le plaisir d'écouter tous les jours l'émission de musique classique qui à succédé ( mais non remplacé ) celle de Frédéric Lodéon sur France Inter..
Cette video vaut le détour. L'ancien prof que je suis, a crû retrouver les mimiques et les inflexions de certaines de ses élèves de terminales ( qui se reconnaîtront ) quand, durant les « récréations », elles faisaient porter leur conversation sur ...un même copain !
https://www.youtube.com/watch?v=i08Zsaldocc
( IV ) Sans oublier....Les chats de gouttière. https://www.youtube.com/watch?v=JnLUGAadTo8
Photos :
1 ) Page de couverture.
2 ) Hippolyte Taine.
3 ) Esquisse du chat d'Hippolyte, il y a 145 ans.
4 ) Cata Scrutatora Maxima.
5 ) Catus Scrutatorix.
6 ) Duo contemporain.
Post Scriptum : Selon mes critères, Nicolas Boileau le célèbre écrivain du XVII ème siècle n'avait pas toujours bon goût, si j'en juge par ces premiers vers de sa sixième satire. Bon poète, mais....inégal :
"Qui frappe l'air, bon Dieu! de ces lugubres cris ?
Est-ce donc pour veiller qu'on se couche à Paris ?
Et quel fâcheux Demon durant les nuits entières,
Rassemble ici les chats de toutes les goutieres ?
J'ai beau sauter du lit plein de trouble et d'effroi,
Je pense qu'avec eux tout l'Enfer est chez moi,
L'un miaule en grondant comme un tigre en furie
L'autre roule sa voix comme un enfant qui crie".