Les p'tits cancans de Duflot la cafteuse.
On ne peut demander à une bonne grosse bobo parisienne de l'an de disgrâce 2014, d'égaler en talent une dame du « lumineux » XVIII ème siècle français comme la célèbre madame du Deffand. ( voir ci-dessous, en annexe ). En talent, non. Mais en jalousie, envie, intense concentration du désir de nuire à qui vous a résisté, fait de l'ombre, s'est opposé à votre désir de laisser par le moyen du pouvoir, même d'une petite parcelle de pouvoir, cette cicatrice qui prouve qu'un jour vous avez existé, - non certes au nom d'un Bien Commun entrevu, mais d'une ambition contraire, - oh, certes : OUI !
Cécile Duflot, contrainte de démissionner d'un gouvernement de « Frères », publie aujourd'hui un livre de Mémoires, ou pour être plus précis de règlement de comptes.
Cécile n'est donc pas madame du Deffand. Chacune son époque. Chez du Deffand, c'est un étincellement d'esprit, même délétère. Chez l'autre, un pesant effort pour émerger des vertes vapeurs de cannabis indica, hélas! sans y parvenir.
Vous en jugerez à partir des quelques portraits de ses camarades de jeu, publié par le Nouvel Observateur.
LS.
"Manuel Valls est sérieux, obsédé par la politique depuis de très longues années. Il a un vrai plan de carrière, il veut réussir. Il a le mérite de la cohérence : le discours qu'il porte aujourd'hui comme Premier ministre est le même depuis des années. La vérité, c'est que je n'ai aucune idée de ce qu'il pense sincèrement. Ce que je lui reproche fondamentalement pendant ces deux années, c'est d'avoir d'une certaine manière pris en otage le gouvernement. Il s'avançait sur des sujets en défendant son seul point de vue personnel, qui n'était pas celui de l'équipe gouvernementale. Si on exprimait son désaccord, on était aussitôt accusé de provoquer un couac.
"La place occupée par Manuel Valls révèle que François Hollande laisse parfois faire. Il regarde comment cela va retomber, qui va gagner, qui va être le plus malin. Mais sur les Roms, sur l'immigration, sur les valeurs de la gauche, il ne s'agissait pas de malice, d'habileté politique ou de capacité médiatique, mais de questions de fond, d'une certaine idée de la République et de la France.
"Je ne connais pas assez Manuel Valls et Nicolas Sarkozy pour savoir s'ils se ressemblent. Mais je sais que celui qui fut le premier ministre de l'Intérieur de François Hollande utilise des recettes similaires. Il déploie les mêmes techniques : saturation de l'espace médiatique, transgression. La figure est facile : le mec de gauche qui tient des discours de droite, c'est un peu l'écolo qui défend le nucléaire ! C'est ce que j'appelle la triangulation des Bermudes. A force de reprendre les arguments et les mots de la droite, de trouver moderne de briser les tabous, et donc de défendre la fin des trente-cinq heures, de dénoncer les impôts, de s'en prendre aux Roms, de prôner la déchéance de la nationalité pour certains condamnés, de taper sur les grévistes, quelle est la différence avec la droite ? Une carte d'adhésion dans un parti différent ? Le fait de proclamer toutes les trois phrases "je suis de gauche" ? Formellement, factuellement, quels sujets les opposent ? A force de trianguler, ils ont fait disparaître la gauche."
Le 26 juin 2013, Cécile Duflot présente le projet de loi Alur (logement) en Conseil des ministres.
"L'encadrement des loyers, engagement numéro 22 du candidat François Hollande, va être mis en application. (…) Le moment est solennel, certains de mes collègues me félicitent discrètement. Puis le président de la République prend la parole. Une douche froide : "Les agences immobilières sont mécontentes, y a-t-il vraiment eu une concertation ? L'encadrement des loyers, est-ce vraiment une bonne chose ?" Je suis dépitée. Je pensais être félicitée pour avoir tenu un engagement de campagne. […] Je n'imaginais pas la sensibilité de certains au discours libéral. Je n'avais pas pris la mesure de l'ampleur des lobbies. Je réalisais sous les dorures du palais de l'Elysée que le président de la République lui-même n'était pas insensible aux sirènes de ces lobbies. J'ai relu Edouard Herriot, ses propos sur le "mur d'argent" ; j'ai trouvé beaucoup de similitudes entre ce qu'il a vécu et la période que nous traversons."
François Hollande et la ministre du Logement en visite sur un chantier à Ermont-Eaubonne, le 1er février 2013 (WOJAZER-POOL/SIPA)
"Il n'est pas mou, mais parfois il est hésitant. Il sait décider, mais il préfère quand la décision vient toute seule ou quand tout le monde l'accepte. C'est bien plus confortable. (...) Sa principale qualité est son calme. Il a des ressources de contrôle de lui-même impressionnantes, et cela reste à mes yeux une qualité primordiale à son niveau de responsabilité. Son principal défaut est de ne pas dire ce qu'il pense. (...)
"Faute d'avoir voulu être un président de gauche, il n'a jamais trouvé ni sa base sociale ni ses soutiens. A force d'avoir voulu être le président de tous, il n'a su être le président de personne. Cela n'est pas une question de tempérament, c'est la conséquence d'une succession de choix souvent inattendus et, parfois, incohérents entre eux."
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Cécile Duflot dîne avec Arnaud Montebourg après "le fiasco de Florange, au moment où on commence déjà à sentir que le cap est mauvais" :
"Arnaud Montebourg fait du Arnaud Montebourg. Un vrai numéro. Il nous explique qu'il va quitter le gouvernement, dénoncer la rigueur, faire des listes européennes et évidemment se présenter en 2017 et qu'on n'aura d'autre choix que de le soutenir ! C'est sa soupape de liberté et de sécurité ? Ça lui fait du bien, ça nous fait du bien aussi de se dire qu'il y aura une vie en dehors du gouvernement. (...)
"Tous ceux qui en privé clamaient "je vais démissionner" sont aujourd'hui encore ministres. Je ne leur en fais pas le reproche."
Juin 2012. Cécile Duflot rencontre le ministre du Budget pour discuter :
"On dit de lui qu'il est brillant et bel homme, je le découvrirai méprisant et brutal. (…) Au fond, je me demande ce qu'il a de gauche. Vraiment, je ne comprends pas. Et, en plus, il est infiniment désagréable avec moi. Je suis habituée à ce qu'un certain nombre d'hommes politiques sérieux estiment qu'ils n'ont pas de temps à perdre avec un puceron comme moi. Ce n'est jamais plaisant. Mais lui est vraiment odieux. (…)
L'affaire [Cahuzac] dure de longues semaines. Des ministres, des députés me confient qu'ils savaient depuis longtemps. Je n'en reviens pas. S'ils étaient au courant, pourquoi l'ont-ils laissé nommer ministre du Budget ? […] Ce n'est pas juste l'histoire d'une dérive personnelle, d'un menteur patenté. Cette affaire montre aussi l'aveuglement et l'hypocrisie qui peuvent régner. Cela restera la marque de l'insincérité."
"Cet instant restera une brisure politique. Ce mardi 24 septembre 2013, je suis à la maison, les enfants finissent de se préparer et, comme souvent, j'écoute France-Inter. La matinale est consacrée à la question des Roms, et Manuel Valls est en duplex depuis Bordeaux. Les mots que j'entends dans la bouche du ministre de l'Intérieur resteront gravés dans ma mémoire. Je suis stupéfaite. Je n'en reviens pas. Les phrases prononcées sont littéralement incroyables : "Il y a évidemment des solutions d'intégration, mais elles ne concernent que quelques familles. C'est illusoire de penser qu'on règle le problème des populations roms à travers uniquement l'insertion." [...] Ce n'est pas une blague spontanée sur les Auvergnats : ce sont des propos réfléchis tenus à la radio. L'apathie collective que je constate autour de moi me sidère. Si un ministre de droite avait tenu de tels propos trois ans plus tôt, cela aurait provoqué un déferlement de critiques de la gauche. Et là, c'est le silence. Je ne peux plus me taire. (…) Cet épisode a marqué un véritable tournant. Une faille s'est creusée entre eux et moi. Je l'écris très calmement. Des milliers, voire des millions de gens ne se sont pas exprimés, n'ont pas manifesté, mais je suis sûre qu'ils ne voulaient pas de ça en élisant François Hollande. Ils souhaitaient au contraire que ce type de discours cesse. Et ils avaient raison."
"De l'intérieur. Voyage au pays de la désillusion" (Fayard) est écrit avec la journaliste Cécile Amar.
Annexe :
Point antillaise, madame Du Deffand n'en fut pas moins une distillatrice du premier rang. Ce qui suintait de son alambic, ce n'était pas du rhum, du whisky, du gin, ni même du schnaps, mais un autre breuvage, épicé, âpre, âcre, et tout littéraire. On en aura un exemple en lisant l'éreintement qu'elle fait subir à l'une de ses rivales en littérature, et pas seulement en littérature : madame du Chatelet.
Madame du Chatelet fut une fort savante femme, ( et pas seulement une femme savante ), accessoirement maîtresse de Voltaire. Madame Badinter lui a consacré la moitié d'un de ses ouvrages. C'est de ce dernier que j'extrais cette lettre de la Du Deffand, où elle assassine sa rivale. Querelle de femmes? Peut-être. Etalage de méchancetés gratuites ? ( gratuites? Peut-être, mais pas certainement, car Emilie n'était pas tendre elle non plus ) En tout cas oeuvre d'un écrivain véritable ( point vaine, malgré son sexe. Il est vrai que la syntaxe à la Peillon-Hollande-Delanoë- n'avait pas cours encore ).
PORTRAIT DE FEU MADAME LA MARQUISE DU CHÂTELET
PAR Mme LA MARQUISE DU DEFFAND
« Représentez-vous une femme grande et sèche, sans cul, sans hanches, la poitrine étroite, deux petits tétons arrivant de fort loin, de gros bras, de grosses jambes, des pieds énormes, une très-petite tête, le visage aigu, le nez pointu, deux petits yeux vert-de-mer, le teint noir, rouge, échauffé, la bouche plate, les dents clair-semées et extrêmement gâtées. Voilà la figure de la belle Emilie, figure dont elle est si contente qu'elle n'épargne rien pour la faire -valoir : frisure, pompons, pierreries, verreries, tout est à profusion ; mais, comme elle veut être belle en dépit de la nature, et qu'elle veut être magnifique en dépit de la fortune, elle est souvent obligée de se passer de bas, de chemises, de mouchoirs et autres bagatelles.
«Née sans talents, sans mémoire, sans goût, sans imagination, elle s'est faite géomètre pour paraître au-dessus des autres femmes, ne doutant point que la singularité ne donne la supériorité. Le trop d'ardeur pour la représentation lui a cependant un peu nui. Certain ouvrage donné au public sous son nom, et revendiqué par un cuistre, a semé quelques soupçons ; on est venu à dire qu'elle étudiait la géométrie pour parvenir à entendre son livre. Sa science est un problème difficile à résoudre. Elle n'en parle que comme Sganarelle parlait latin, devant ceux qui ne le savaient pas. Belle, magnifique, savante, il ne lui manquait plus que d'être princesse; elle l'est devenue, non par la grâce de Dieu, non par la grâce du roi, mais par la sienne. Ce ridicule a passé comme les autres. On la regarde comme une princesse de théâtre, et l'on a presque oublié qu'elle est femme de condition. On dirait que l'existence de la divine Emilie n'est qu'un prestige: elle a tant travaillé à paraître ce qu'elle n'était pas qu'on ne sait plus ce qu'elle est en effet. Ses défauts mêmes ne lui sont peut-être pas naturels, ils pourraient tenir à ses prétentions; son impolitesse et son inconsidération, à l'état de princesse ; sa sécheresse et ses distractions, à celui de savante; son rire glapissant, ses grimaces et ses contorsions, à celui de jolie femme. Tant de prétentions satisfaites n'auraient cependant pas suffi pour la rendre aussi fameuse qu'elle voulait l'être : il faut, pour être célèbre, être célébrée; c'est à quoi elle est parvenue en devenant maîtresse déclarée de M. de Voltaire. C'est lui qui la rend l'objet de l'attention du public et le sujet des conversations particulières; c'est à lui qu'elle devra de vivre dans les siècles à venir, et en attendant elle lui doit ce qui fait vivre dans le siècle présent. »