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16 Juillet 2014
Je ne suis pas médecin. Ni biologiste. Je consomme moi-même des génériques à partir de la prescription de mon médecin généraliste, en qui j'ai confiance. Et je fais confiance au pharmacien qui me fournit.
Si je publie cet article, d'un médecin cardiologue, ce n'est pas pour tenter de susciter un quelconque soulèvement des consommateurs de médicaments.
C'est seulement, et tout simplement, parce que se poser ce genre de question n'est pas inutile, ni subversif en soi, mais relève du droit de chacun à se les poser. Surtout à une époque où la sécurité sociale doit faire des économies, que l'incitation à la consommation de génériques s'inscrit dans le cadre d'une tentative de résorption dudit déficit. Et d'autre part parce que de récents scandales, impliquant certains groupes de l'industrie pharmaceutique, légitiment ce genre de questions dans un pays, où, théoriquement, ( oui, théoriquement ) la liberté d'expression est inscrite dans la Constitution.
LS.
Générique = même médicament : une tromperie
LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 14.07.2014 à 17h04 • Mis à jour le 14.07.2014 à 19h27|
Par Bertrand Crozatier (cardiologue)
La prescription plus large de médicaments génériques est un des moyens envisagés pour diminuer les dépenses de santé, avec éventuellement des sanctions financières pour les médecins récalcitrants. La raison invoquée est simple : une fois les molécules originales tombées dans le domaine public, des génériques, considérés comme identiques au médicament original,peuvent être vendus moins chers. C’est ce que proclame le syndicat des industries des génériques, le Gemme, dont l’acronyme signifie « générique même médicament ».
En ma qualité de chercheur scientifique et de cardiologue praticien, je souhaite tordre le cou à cette fausse autoproclamation en montrant que le médicament générique n’est pas identique au médicament original, tant du point de vue de sa nature que de sa présentation et de l’effet ressenti par le patient à qui il est prescrit.
Lire aussi : Les médicaments génériques suscitent toujours la méfiance
Dès les premières années de son cursus, un étudiant en pharmacie apprend la galénique, l’art de préparer un médicament. Celui-ci est constitué d’une molécule active et d’un excipient qui permet de le rendre absorbable. L’efficacité du produit princeps, qui comporte un excipient choisi selon ces règles, est testée chez des cohortes de patients avant sa mise sur le marché. Pour les génériques, chaque laboratoire producteur a sa propre formulation en excipients.
L’exemple du Valsartan, médicament majeur de l’hypertension artérielle, montre clairement que l’excipient de trois Valsartan génériques n’est pas le même que celui du médicament original. Il y a au moins sept produits dans chaque excipient du Valsartan. Le premier produit présent dans l’excipient du médicament original (Nisis ou Tareg) est la cellulose microcristalline. Dans les génériques, le premier produit est l’alcool polyvinylique pour le Valsartan Biogaran ; l’amidon de maïs pour le Valsartan Teva et le lactose pour le Valsartan Mylan.
EFFETS SECONDAIRES OU D’ABSENCE D’EFFICACITÉ
La réglementation impose au générique la même biodisponibilité que le produit actif avec des paramètres égaux à + ou – 20 % près. Il est probable (mais non démontré formellement) qu’ils sont aussi efficaces, mais il est malhonnête de faire croire aux patients qui se plaignent d’effets secondaires ou d’absence d’efficacité d’un générique que c’est le même produit que le médicament princeps. Il est possible, surtout pour des médicaments à marge thérapeutique étroite, qu’une faible différence joue un rôle et que des paramètres autres que la biodisponibilité puissent intervenir.
En outre, des intolérances ou allergies sont possibles avec certaines substances, mais le médecin ne connaît pas la composition de l’excipient du générique qui sera fourni par le pharmacien. Il variera d’une officine à l’autre et, possiblement, d’une prescription à l’autre dans la même pharmacie.
Non seulement le générique n’est pas un médicament identique au produit original, mais – et c’est encore plus grave – il est différent pour le patient, par son nom bien sûr, mais aussi par sa forme et par l’aspect des boîtes qui lui sont fournies. Comment des personnes âgées peuvent-elles s’y retrouver avec sept ou huit médicaments majeurs (ce qui peut être nécessaire dans des pathologies sévères multiples) dont les noms et l’aspect changent sans arrêt ? Les conséquences sont probablement mineures pour un patient qui n’a pas des facultés physiques ou intellectuelles diminuées, mais elles peuvent être désastreuses chez ceux qui ont une perte des capacités visuelles ou cognitives. Il suffit de passer quelques heures dans un cabinet médical pour constater que les erreurs sont fréquentes et potentiellement très graves.
UN COMMERCE COMME LES AUTRES
Un dernier élément est celui de l’effet placebo – phénomène complexe où un effet bénéfique est obtenu avec une substance à valeur pharmacologiquement nulle lorsque le sujet croit avoir reçu le médicament. Il est présent aussi dans la prescription de tout médicament actif. Imposer le générique à un patient qui n’a pas confiance dans ce nouveau produit lui fait perdre l’effet placebo. Ce n’est pas négligeable : dans une étude initiale du Valsartan par exemple, l’effet du placebo correspondait à la moitié de l’effet du produit actif. Cela peut obliger à réajuster le traitement. Belle économie !
On comprendrait que la Sécurité sociale incite à prescrire des génériques qui seraient produits sans profit une fois les molécules tombées dans le domaine public. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Les génériques sont commercialisés par des laboratoires privés, souvent filiales de grands groupes pharmaceutiques comme Servier, Sanofi ou Sandoz, dont le but est d’augmenter les profits de leur maison mère.
Le président du Gemme, Pascal Brière, qui est aussi président du Laboratoire de génériques Biogaran du groupe Servier, vient de le prouver de façon éclatante. Refusant l’idée de baisse du prix des génériques demandée par le gouvernement, il a proposé de pénaliser les médecins qui n’en prescrivent pas assez. On peut s’indigner des propos d’un commerçant qui s’infiltre dans la relation médecin-patient pour vendre ses produits (comme il punirait des gérants de supermarché qui ne mettraient pas sa lessive en tête de gondole). En fait, ces propos sont les bienvenus pour montrer que l’industrie du générique n’est qu’un commerce comme les autres qui cherche uniquement à augmenter ses profits
PRIX IDENTIQUE
Les actes et les prescriptions d’un médecin seront remboursés par la Sécurité sociale. Il est donc justifié qu’elle l’informe des coûts de ses activités, qu’elle le contrôle puisqu’il est dispensateur des deniers publics et qu’elle le sanctionne s’il commet des excès reconnus par ses pairs. C’est cependant la responsabilité du médecin de juger si les molécules originales méritent ou non d’être prescrites malgré leur coût.
La Sécurité sociale peut inciter à la prescription plus large des génériques. Fixer un quota arbitraire de leur prescription n’est pas justifié. D’autres pistes d’économies moins discutables peuvent être envisagées comme celles liées à la prévention, première des orientations stratégiques du projet de loi présenté le 19 juin. On sait que l’activité physique permet, entre autres, une diminution de 50 % du risque de cancer du colon, de diabète de type 2 et de maladies cardio-vasculaires. La mise en place de structures permettant à la population sédentaire, vieillissante et en surcharge pondérale croissante de faire du sport ou simplement de la marche réduirait considérablement les coûts de la santé (hospitalisations et prescriptions médicamenteuses génériques ou non).
Pour terminer, une petite anecdote sans valeur scientifique. Achetant du Clamoxyl (antibiotique banal), avec ma carte professionnelle pour mon usage personnel, le seul générique que je me vis proposer par la pharmacienne était l’amoxicilline de Biogaran. Il était, au centime près, au même prix que la molécule originale ! Au moins n’était-il pas plus cher !
Bertrand Crozatier, cardiologue, directeur de recherches émérite au CNRS.