16 Mars 2014
Une haute silhouette, souple, avec ce sentiment agréable que suscite la perception d'une élégance non conforme aux modes du jour, parce que venue d'une intériorité peu ordinaire. Telle m'apparut d'abord Laurence, s'acheminant, un jour d'il y a une vingtaine d'années, vers moi, pour mieux me connaître, sur recommandation d'un ami commun.
Impression confirmée bientôt par la voix, raffinée, avec, par moments, des dissonances, sans recherches, traduisant naturellement, la complexité d'une âme polie, soucieuse du contact, discrète et pénétrante, désireuse de mettre à l'aise, de libérer chez l'autre, hors la familiarité des âmes vulgaires, les dispositions intérieures de l'interlocuteur nouveau, encore inconnu.
Nous nous sommes connus ce jour, et assez souvent revus. Et j'ai pu vérifier la vérité de ma première intuition.
Laurence Abare n'est pas une personne « ordinaire ». Sa politesse raffinée n'est pas une façon de se préserver des contacts amoindrissants, une faiblesse en quelque sorte, mais bien au contraire, en plus du filtre nécessaire dans les rapports sociaux, une façon profonde d'être . Cette amie pourrait, à l'occasion, sans se départir des règles indispensables de la décence, être capable de décocher des traits aussi fulgurants qu'anesthésiants.
Je réfléchissais à tout cela, pendant que, sans apprêts, sans ces procédés d'auteurs qui cherchent à dissimuler leurs manques sous un vocabulaire de convention, de « gens de lettres », elle me présentait le premier volume de poèmes qu'elle publie aux éditions BEL, sous le titre D'un océan à l'autre, et qui sera bientôt, en librairie, à la disposition de ses amis, et des amateurs de poésie.
Laurence n'est pas de ces forçats de l'écriture, qui, des lueurs de l'aube aux flamboiements du soleil couchant, s'acharnent et ahanent à la recherche de la « meilleure » formule.
Sa science des vers, naturelle et spontanée, est au service d'une sensibilité très grande. Et c'est le froissement de celle-ci par quelque événement personnel ou collectif, qui suscite et libère en elle le démon poétique.
En art, pour certains, il ne peut rien surgir de beau, de bon, de vrai, sans travail, et patience.
Pour d'autres c'est l'inspiration qui prime, et emporte tout. Thème romantique par excellence.
Laurence est du côté des romantiques. « Poète, prend ton luth, et me donne un baiser ( … ) Poète prends ton luth, c'est moi ton immortelle, qui....comme un oiseau que sa couvée appelle, pour pleurer avec toi descend du haut des cieux », comme disait la muse de Musset.
Notre amie n'en est pas moins classique dans sa respiration poétique et dans sa prosodie.
Il est vrai que le travail qu'on a consenti dans sa jeunesse, n'est jamais inutile, et se dévoile toujours, sans effort, et comme inconsciemment, au détour des phrases et des vers les plus inspirés.
Le vieux Joachim du Bellay, l'avait noté dans sa, jadis, célèbre Défense et illustration de la langue française : « celui qui veut voler par les mains et bouches des hommes doit longuement demeurer en sa chambre ( … ) et comme mort en soi-même suer et trembler maintes fois. Ce sont les ailes dont les écrits des hommes volent au ciel ».
Que Laurence Abare ait fait de longues et difficiles études, qu'elle soit « bac + 9 » comme on dit maintenant, voilà ce que chacun ignore, car elle ne le clame pas tous azimuts comme les pédants de collège.
Mais la culture de l'esprit est une chance, qui lorsqu'elle est assumée et dépassée, transfigure, et la voix, et la silhouette, et les écrits, même chez ceux ( surtout ceux? ) qui parlent sans prétention.
Je crois que les lecteurs «D'un océan à l'autre » ( dont je publie l'une des fleurs ) en tomberont d'accord avec l'auteur de cette présentation.
Edouard Boulogne.
Sensation marine
Je m'approche de toi à petits pas pressés,
Et toujours fascinée par ton immensité,
J'admire ta beauté les yeux jamais lassés.
Ô mer que tu me plais dans ton éternité !
Assise à tes côtés, tout à coup immobile
Je te touche du pied, c 'est une découverte.
Tantôt chaude ou glacée, courroucée ou tranquille,
Quel plaisir enivrant d'entrer dans ton eau verte !
Aussitôt tu m'entoures et je deviens ton île.
Ta vague bleue en cadence me caresse.
Soudain un courant fort m'emporte et je file
Soumise à tes désirs, partant pour l'ivresse.
Le sable blond, corail brisé ou silice,
Glisse et coulisse sur ma peau bien hâlée,
La rendant douce lisse pas sans malice.
Des effluves iodés parfument l'eau salée.
Parfois, sans raison tu te mets en colère,
Scintillant au soleil ton lagon capricieux,
Roule sa houle déferle vocifère.
Calmée, à l'horizon tu câlines les cieux.
Laurence Abare.